-
Retable de Saint Etienne (extrait), St Jérôme et Ste Apolline
-
Retable de Saint Etienne (extrait), St Jean-Baptiste et de Ste Agathe
La famille de Herbais à Enghien
Denise d'Herbais de Thun et de Cambrai (Enghien)
Si jusqu'au 17e siècle le nom «de Herbais» figure généralement sur les documents, on rencontre aussi le nom écrit sous la forme «d'Herbais». C’est finalement cette dernière orthographe qui prévaut de nos jours. Jean-Théodore De Raadt, Liste Des Combattants Du Duc Wenceslas Suivie de Quelques Documents Inédits Pour Servir À L'histoire de Cette Journée, Bruxelles, 1904, p 22 et 73. Comte Paul Armand du Chastel de la Horwarderie-Neuvireuil, Notices généalogiques tournaisiennes, T. II, 1884, p 250. Certificat de vérification du 27 octobre 1783 par deux notaires de Cambrai dans les archives de la famille.Dans son article «Les quarante familles belges les plus anciennes subsistantes», paru dans Le Parchemin de janvier 2001, Hervé Douxchamps nous livre une généalogie circonstanciée de la famille de Herbais (1). Comme nous le verrons plus loin, plusieurs membres de cette illustre maison ont été liés à l'histoire de la ville d'Enghien.
Le blason
Pour rappel, la tradition familiale fait remonter l'origine des de Herbais à l'époque carolingienne. Les sources ne dépassent cependant pas le début XIIIe siècle. La famille de Herbais est issue des Dommartin ou Dommartin-Warfusée. Robert de Limont, chevalier banneret, seigneur de Limont et de Herbais, est le premier seigneur de Herbais à adopter les armoiries que portent tous les descendants du nom de «Herbais»: d'argent au lion de gueules accompagnée de huit coquilles d'azur rangées en orle. Son cri de guerre est «Geneffe».
Le hameau d'Herbais est situé sur la commune de Piétrain (canton de Jodoigne). Le village est dominé par la remarquable chapelle gothique
Sainte-Catherine et la grande cense Germeau, d'origine seigneuriale. La chapelle, au départ castrale, fut construite vers 1230. Elle a été
classée en 1963, et restaurée en 1971.
Dès les origines, les chevaliers de Herbais sont châtelains de Waremme. En 1338, Simon II de Herbais s’engage à servir le duc de Brabant,
Jean III, dans la guerre de Cent Ans. En 1371, Simon III et son frère participent à la guerre de Baesweiler aux côtés du duc Wenceslas,
contre le duc de Juliers (2).
Le mausolée
À partir de 1480, les de Herbais sont seigneurs et maires héréditaires de Pepingen où l'on peut encore admirer dans l'église paroissiale Saint-Martin, le magnifique mausolée familial des d'Herbais-d'Immerseel, datant du début du XVIè siècle et que l'on attribue à Jean Mone (voir ill. ci-contre).
En 1492, Simon VI est membre de l'Etat noble de Liège et en 1531, Jacques de Herbais, d'abord écoutête d'Anvers et margrave du pays de Ryen (Anvers), est par la suite attaché à la cour de Charles-Quint, lequel le qualifie «son écuyer-tranchant». Jacques figure parmi les «gentilshommes servans» de l'empereur et le suit dans ses déplacements. En 1537, il est chargé de se rendre d'Espagne aux Pays-Bas pour s’assurer des projets que le roi de France, François Ier, nourrit sur nos provinces. La même année, sur l'ordre de la régente, Marie de Hongrie, il se rend à Gand pour tenter d'obtenir le consentement des magistrats de cette ville aux demandes d'argent faites au nom de Charles-Quint. Enfin, en 1541, Jacques accompagne celui-ci dans sa campagne d'Afrique et son projet de conquérir Alger.
En 1641, François de Herbais, chevalier, seigneur haut-justicier de Herbais et du Hontoy, seigneur de Bouchout, Duyst, Villecassau, Millegem, Pepingen, et, du chef de sa femme, Jeanne-Isabelle de Bonmarchez, sire et vicomte de Thun-Saint-Martin, est admis au corps de la noblesse des Etats de Cambrai et du Cambrésis et assiste aux assemblées. En 1670, Pierre–François relève la seigneurie de Thun-St-Martin, située dans le Département du Nord, près de Cambrai. Les armes de la commune sont celles de la famille de Herbais si ce n’est que le lion est couronné d'or à l'antique. Le château de Thun-Saint-Martin a survécu et resta dans la famille jusqu'en 1927.
Trois d'Herbais, baillis d'Enghien
Au XIVe siècle, Jean de Herbais, chevalier, seigneur de Herbais, de Gollard et de ten Broeck, épouse Isabelle d'Enghien, fille de Colard, bâtard d'Enghien, chevalier, seigneur de Kestergat, et de Jeanne Brunincks (3). Jean de Herbais et Isabelle d'Enghien ont eu cinq enfants dont Simon IV, chevalier seigneur de Herbais, Morchoven, Milleghem, et par sa femme, Catherine de Herthoghe, de Dhuyst (Uccle) et de la Mortere à Bouchout. Il est maire héréditaire de Pepingen, lieutenan-châtelain de Vilvoorde en 1431, bailli du pays d'Enghien en 1436. En 1441, il est nommé membre du Conseil de Brabant à la cour de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et grand bailli de Gand en 1451.
Suivant un crayon généalogique de la famille, Simon reçoit la dotation du duc de Luxembourg, par acte du 21 mars 1437 qui le qualifie de «cher cousin», plusieurs terres dont jouiront encore les seigneurs de Herbais de Thun en 1783 (4). Le 29 octobre 1467, Simon est nommé conseiller à la cour de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Simon décède en mars 1477 (ou 1478) et est inhumé dans le vieux choeur de la chapelle du Saint-Sacrement–des Miracles en la collégiale Sainte-Gudule (cathédrale Saints Michel-et-Gudule) à Bruxelles.
Simon IV de Herbais et Catherine de Hertoghe ont 6 enfants dont Pierre de Herbais, chevalier, seigneur de Herbais, Duyst, Pepingen, maire héréditaire de Pepingen, gentilhomme de la chambre de l'archiduc Maximilien. Pierre de Herbais est grand bailli d'Enghien de 1502 à 1504. Il succède dans cette charge à Jean de Ligne, seigneur de Ham et sera lui-même remplacé par Antoine de Mastaing, chevalier. Avant le 10 janvier 1458, il épouse Catherine van den Huffelen. En 1465, tous les grands du royaume de France se préparent à marcher contre le roi Louis XI, dans la guerre «du Bien Public». On y retrouve Charles le Téméraire, Jean de Bourbon, Charles de France, François II, duc de Bretagne ainsi que Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, sous les ordres duquel se trouve Pierre de Herbais. Enfin, ce dernier devient gentilhomme de Maximilien d'Autriche.
Les volets peints du retable de Saint Etienne
En 1501, trois soeurs germaines arrivent à Enghien, elles y font construire une maison et une petite chapelle. Leur vie pieuse et retirée est bientôt remarquée par les habitants de la ville. Plusieurs personnes se joignent à elles. Comme leur nombre augmente, elles décident de suivre une règle religieuse. Deux soeurs grises du couvent de Lille sont envoyées à Enghien pour former une nouvelle communauté aux usages et aux obligations de la Règle. Les jeunes femmes prennent alors le nom de soeurs grises et leur couvent est appelé «couvent de Nazareth». La maison qu'elles occupent étant devenue insuffisante pour les abriter, il devient impératif d'agrandir. Pendant la période où Pierre de Herbais est bailli de la ville (1502 à 1504), Etienne du Pont leur fait don d'une de ses propriétés de la rue de la Gaine à Enghien. Le maître-autel de la chapelle est dédié à saint Etienne et bientôt un retable est exécuté pour être placé sur cet autel. C’est le fameux «retable de Saint Etienne», dont les panneaux peints ont été naguère attribués à Colyn de Coter.
A l'origine, le retable se divisait en trois parties: un panneau central dormant, composé de huit scènes sculptées en bas-relief, et deux volets latéraux peints, faces intérieures comme extérieures (97 x 79 cm chacun).
Lorsque le retable était fermé, on voyait sur les deux volets latéraux les donateurs agenouillés au premier plan avec leurs saints patrons. Sur celui de gauche, Pierre du Pont ainsi que le magistrat (mayeur) et les échevins d'Enghien avec saint Jean-Baptiste et sainte Agathe de Catane, sur le volet de droite, l'épouse de Pierre du Pont, d'autres pieuses femmes, avec sainte Apollonie d'Alexandrie et saint Jérôme. Ouvert, les panneaux latéraux offraient chacun deux scènes de la vie de saint Etienne, séparées l'une de l'autre par une baguette dorée.
Pierre de Herbais représenté sur les volets du «retable de Saint Etienne»
Pierre de Herbais, grand bailli d'Enghien, serait représenté sur le volet des miracles, tantôt dans le rôle de l'empereur Constantin, tantôt dans celui de l'empereur Théodore. Revêtu d'un camail d'hermine moucheté, d'une tunique d'or et d'une robe de couleur émeraude bordée de fourrure, il est coiffé de la couronne impériale surmontée d'une croix et tient à la main un sceptre, symbole de l'autorité royale.
En 1797, sous le régime français, le couvent de Nazareth est supprimé. l'oratoire et les bâtiments sont vendus.
Les panneaux du retable
En 1815, à son retour d'émigration, le duc Prosper-Louis d'Arenberg prend soin de restaurer la chapelle de son château et l'enrichit d'oeuvres d'art diverses. Une dizaine d'années sont nécessaires pour faire de la chapelle l'une des merveilles patrimoniales de la région (1835-1845). En 1839, le duc embauche Stanislas de Pereira, restaurateur de tableaux. Outre les centaines de tableaux qu'il restaure pour les d'Arenberg, la remise en ordre du retable de saint Etienne que les d'Arenberg ont acquis, on ne sait trop comment, lui est confiée. Pereira scie les deux volets du retable dans le sens de l'épaisseur et en fait quatre tableaux qu'il enferme dans des cadres en chêne. Il «monte» ensuite une des portes de la chapelle, celle qui donne accès au sanctuaire avec six des huit panneaux de la partie centrale du retable.
En 1841, Prosper d'Arenberg rachète l'ancienne propriété des capucins et fait rebâtir un nouveau couvent. Parmi les tableaux qui y abondent, les «quatre» panneaux du «retable de saint Etienne». En 1932, le couvent des capucins et l'église sont cédés intégralement aux capucins. Les quatre volets sont disposés dans l'ancien réfectoire. Soixante-cinq ans plus tard, les capucins quittent Enghien et vendent leur couvent et son contenu à la Société WBJ Invest qui devient dès lors l'unique détenteur des quatre volets. En mai 2013, les panneaux sont mis en vente chez Bernaerts à Anvers et pour une raison non encore clairement élucidée, en sont retirés.
Comme cet article le révèle, ces panneaux font partie intégrante de l'histoire d'Enghien.
Il faut espérer qu'ils demeureront un jour dans le patrimoine inaliénable d'Enghien et qu'une solution soit trouvée à cet effet.
Denise d'Herbais de Thun et de Cambrai (Enghien)
Nous avons besoin de votre soutien pour sauver le patrimoine d'Enghien !
Bibliographie:
- Les volets peints du retable de Saint Etienne - autrefois à l'oratoire des Soeurs Grises à Enghien, par Colyn de Coter et son Atelier (début du XVIe siècle), Collection des PP. Capucins, Enghien (Belgique). Publié en 1961.