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Le Jardin des Fleurs: balustrade et pavillon chinois
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Le Jardin des Fleurs - Gravure de Romeyn de Hooghe
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Le Jardin des Fleurs - Gravure de Romeyn de Hooghe
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Le Jardin des Fleurs - Gravure fin XVIIè, Anonyme
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Le Jardin des Fleurs: escalier contreparti et cascatelle
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Escalier contreparti et cascatelle - Heidelberg
La restauration du Jardin des Fleurs dans le domaine d' Arenberg à Enghien
__________ANDRÉ DUPONT et JEAN LOUIS VANDEN EYNDE Architectes
ANNALES DU CERCLE ARCHEOLOGIQUE D'ENGHIEN, T. XXXII, 1998, pp. 209-258.
(1) E. MATTHIEU, Histoire de la ville d'Enghien, Dequesne-Masquillier, Mons 1876; C.-M.-R. d' ARENBERG, Histoire de la terre, pairie el seigneurie d'Enghien, A.C.A.E. T.VIII. 1914.1922, pp. 1-91. (2) L.GENICOT, Critique historique, Academia Louvain-la-Neuve 2è éd., 1987. (3) ROUSSELLE Ch. Les plans et vues gravés de la ville d'Enghien, dans A.C.A.E., T.III, 1887-1890, pp. 289-295. (4) Cette étude porte sur la totalité des représentations du parc d'Enghien mises en rapport avec les sources monumentales et textuelles. (5) VILLA ANGIANA. Série de 17 gravures accompagnées d'un commentaire introductif de Nicolas Visscher, en néerlandais, publié par Y. DELANNOY, Le Parc d'Enghien. Notices iconographiques et historiques, dans A.C.A.E., T. XIX, pp. 92- 100; en néerlandais et en français, publiés par Y. DELANNOY, Le Parc et les fameux jardins d'Enghien, Enghien, 1986. (6) Romeyn de Hooghe. Profil van 't perk van Enguien. J. Tangena, Leyde. non daté. (7) Jacques Harrewijn. le parc d'Enghien, dans Les délices des Pays Bas, Bruxelles, 1697. (8) Série de 17 gravures publiées dans A.C.A.E. T. XIX, 1979, Enghien. Coll. Y. DELANNOY, Enghien. (9) Quatre vues provenant d'une série de douze planches. (Coll. Ville d'Enghien) (10) 't Yennaerde Park van Anguien. DE WIT, Amsterdam, non daté, non signé. (Coll. Y. DELANNOY, Enghien). (11) Série de 17 gravures non datées, non signées. Publiées dans A.C.A.E. T. XIX. 1979 (Coll. Y. DELANNOY, Enghien). (12) Diverses rares Prospect de belle Jardin d'Anguien, 2 lieues éloigné de Bruxelles. Carl Remshard sculps. M. Engelbrecht exc, Série de douze gravures. (Coll. M. ADAM, Bruxelles). (13) VILLA ANGIANA, Série de 17 gravures accompagnées d'un texte de N. VISSCHER, Amsterdam, 1685. V. note 5. (14) Le texte en est publié par Ed. LALOIRE, Documents concernant l'histoire de la Seigneurie d'Enghien, dans A.C.A.E., T. Vlll, 1915-1922, pp. 103-127. (15) A. ROEYKENS, Charles, Prince-Comte d'Arenberg, restaurateur du parc d'Enghien m1 début du XVIIème siècle, dans A.C.A.E., T. XV. 1967-1969. pp. 211-246. A. ROEYKENS, Le Prince-Comte Charles d'Arenberg et le célèbre botaniste Charles De L'Ecluse, dans A.C.A.E T. XVIII, 1976-1978. pp. 71-82. (16) Horace DOURSTHER, Dictionnaire des poids et mesures anciens et modernes, Bruxelles 1840. Amsterdam 1965 (17) Cannelure creuse en longueur de sous-face d'élément saillant en façade près d'arête. (18) Disposition et profils des moulures et membres dans l'édifice définissant le style architectural. (19) Partie latérale de baie, porte, fenêtre, cheminée. - Mur vertical embase de voûte. - Pilier d'arcade. (20) Baron François BETHUNE, Inventaire des meubles délaissés lors de son entrée en religion par Antoine d'Arenberg, Messager des Sciences Historiques, Bruxelles, 1895-1896 (21) S. de CAUS Hortus Palatinus A Frederico Rege Bohemiae, de Brij. Francfort, 1620. (Ornement) Sorte d’ornement représentant une carte déroulée et qui sert à encadrer une inscription, une devise, etc. (23) « Date à partir de laquelle. » Formule usitée en droit et dans les sciences historiques. Date à partir de laquelle un événement s'est nécessairement produit. (24) Petite cascadeEnghien est la seconde plus petite ville de Belgique et se situe à une trentaine de kilomètres à l'Ouest de Bruxelles. Elle tient son nom de ses premiers seigneurs qui la fondèrent autours de l'an 1000. Elle fut propriété et souvent résidence de familles illustres (1); Luxembourg, Clèves, Henri IV roi de France et de Navarre, Arenberg, Empain, ont donné à cette petite ville un statut européen.
C'est assurément aux ducs d' Arenberg que Enghien doit la plus belle partie de son patrimoine monumental. Depuis l'acquisition de la seigneurie d'Enghien en 1607 jusqu'à la confiscation par l'Etat belge des biens de l'Illustrissime famille princière du Saint-Empire Germanique en 1918, le château, les jardins et le parc n'ont cessé d’être embellis, mis au goût du jour, engloutissant soins et fortunes.
Depuis 1986, l'Administration communale de la Ville d'Enghien, devenue propriétaire, s'attache à la conservation, à la mise en valeur et à 1' animation de ce domaine considéré comme "Patrimoine Majeur de Wallonie", catégorie la plus élevée des biens classés.
Une caractéristique du Parc d'Enghien est de présenter une quantité impressionnante de bâtiments d'une très grande qualité, dispersés dans un environnement boisé, sans rapport apparent entre eux. Ils couvrent une très grande partie de l'histoire de l'architecture: la Tour de la Chapelle gothique, 1250 à 1512, le Porche du Château renaissance, 1543, le Pavillon des Sept Etoiles baroque, 1656, les Pavillons Chinois et aux Toiles et le Mail baroques, 1660, la Cour d'Honneur classique cantonnée de ses quatre pavillons d'angle dont les Ecuries, 1720, et enfin le Château Empain, néo-classique , 1913.
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Après le sauvetage d'urgence de certains bâtiments qui menaçaient mine, une attention particulière a été portée sur leur environnement. L'observation de l'implantation de chacun des bâtiments et de leurs abords a soulevé de nombreuses questions: comment comprendre ce site où tant d'époques et de projets se superposent jusqu'à nos jours alors que la végétation a repris tous ses droits?
Le point de départ du projet qui fait l'objet de cette étude, est la restauration de deux pavillons isolés dans un aménagement paysager du début de ce siècle, achevé par la construction du château néoclassique en 1913. Ces cabinets, appelés Pavillon Chinois et Pavillon aux Toiles tiennent leur nom de leur décor intérieur. Les scènes d'iconographie chinoise réalisées en stuc polychrome sont millésimées de 1743. Il s'agit de panneaux de plâtre pigmenté en noir, encadrés de moulures de stuc-marbre.
Dans cette surface, des formes ont été creusées pour être remplies de plâtre pigmenté en bleu, vert, rouge, jaune, blanc. Ces petites surfaces sont à nouveau guillochées et remplies de plâtre pigmenté afin d'ajouter le détail des visages, les trames des vêtements, les nervures des feuilles etc ... C'est la technique de l'intarsio, de l'incrustation de stuc dans le stuc.
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Les murs intérieurs de l'autre pavillon sont divisés par des montants en bois intégrés dans la maçonnerie, destinés à tendre des toiles peintes. Le décor du plafond laisse penser qu'il s'agit également d'une intervention du XVIIIème siècle. On sait par les textes que les peintures disposées sur les murs et au dessus des portes représentaient diverses scènes du parc d'Enghien. Deux œuvres de F. Dumesnil conservées au Couvent des Pères capucins d'Enghien pourraient en faire partie.
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Le relevé de ces deux petits bâtiments, le Pavillon Chinois et le Pavillon aux Toiles, a soulevé deux questions:
- Les façades en vis-à-vis des deux cabinets présentent un arrachement identique, tout à fait incongru par rapport à la situation actuelle des lieux.
- Les façades Ouest reposent sur un soubassement décoré d'un
(cartouche)
dont la moitié disparaît dans le sol. Elles sont percées d'une porte en plein cintre surmontée d'un larmier fragmenté. Un garde-corps en pierre est conservé dans la façade du pavillon aux Toiles. Sa modénature se poursuit jusqu'à l'arrachement faisant l'objet de la première question.
D'autre part, en élargissant nos investigations, nous étions impressionnés par la présence de berceaux de charmilles qui se prolongeaient de part et d'autre du Pavillon aux Toiles. Plus loin, dans le même berceau interrompu par un boulingrin du début du siècle, nous remarquions une abside en ruine, des emmarchements et des chemins que la végétation spontanée avait colonisés.
En reportant ces informations sur un plan général du site, nous nous apercevions que ces éléments apparemment isolés participaient tous à une trame régulière, perturbée par le château Empain. Forts de cette observation, nous en revenons à nos pavillons et à leurs abords.
La méthode d'investigation utilisée pour l'analyse préalable au projet de restauration s'apparente fort à la critique historique
(2).
Le principe est de rechercher, de reconstituer intellectuellement l'aspect original du sujet d'étude et de comprendre son évolution jusqu'à l'état que nous connaissons, en analysant les différents type de sources, en les confrontant, pour en dégager une synthèse vraisemblable. Ces sources sont: le monument dans l'état actuel et visible, les documents d'archives, textes et iconographie, les investigations archéologiques, les témoignages oraux.
Pour la clarté de cette présentation, l'apport des différentes sources sera abordé successivement. Dans la réalité, la confrontation était permanente.
1. La source monumentale
1.1. Les pavillons.
L'observation du Pavillon chinois mettait en doute la cohérence entre le millésime de 1743 du décor intérieur, la façade Est de style Louis XIV-XV, et la façade Ouest sobrement baroque. Le pavillon aux Toiles était plus homogène, à l'exception du plafond. L'étude archéologique aboutissait à l'identification d'un gros-œuvre de la moitié du XVIIème siècle remanié en 1743.
Un sondage aux pieds des pavillons a permis d'identifier le dessin complet du cartouche du soubassement et la présence d'une plinthe continue sur un ressaut de fondation. Ce soubassement donnait à la façade Ouest un surcroît de 1,92 m. par rapport aux autres façades. Par extrapolation, nous pouvions reconstituer la totalité de l'élévation Ouest des deux bâtiments et formuler une hypothèse quant au mur qui les reliait. Les arrachements lisibles sur la façade Sud du pavillon Chinois et sur la façade Nord du pavillon aux Toiles, façades qui se font face, correspondaient à une balustrade identique à celle des baies des façades Ouest des deux pavillons. Cette balustrade existait encore au pavillon aux Toiles. Elle se compose d'un socle de 16,5 cm. de hauteur, de balustres de 84 cm. et d'une pièce d'appui de 13,8 cm. Surmonté de la balustrade, ce mur offrirait donc une élévation de 3,06 m.
La dimension totale de cette façade est de 82,52 mètres, pavillons compris.
Une première conclusion était que nous ne pouvions ignorer les proportions réelles et belles de ces élévations dans le projet de restauration, mais d'autre part qu'il était stupide de créer un fossé limité aux pieds de chaque façade.
Une seconde conclusion était que le niveau du sol avait été remblayé de près de 1,20 m. et que la différence de niveau entre le sol aux pieds des façades Est et Ouest était à l'origine de 1,92 m. Munis de cette référence, le nivellement du terrain en contrebas des pavillons permettait de circonscrire l'ampleur du remblai.
Une troisième conclusion était que, si le profil de l'élévation du mur reliant les deux pavillons était vraisemblable, la décomposition en travées était toujours hasardeuse. Mathématiquement, la mesure prise entre les axes des pilastres des façades Ouest des pavillons, soit 4,85 m. se retrouve très exactement dix sept fois dans les 82,52 mètres de l'élévation totale. Il était donc satisfaisant d'assigner deux dix-septièmes aux pavillons, un dix-septième à un escalier central séparant le mur en deux fois sept dix-septièmes ou deux fois sept travées.
Nous avons dessiné cette hypothèse en reproduisant les pilastres des pavillons à intervalle régulier et en ornant les panneaux ainsi déterminés par les mêmes plinthes et cordons.
1.2. Les abords, la végétation.
Deux observations ont été menées, l'une au niveau des arbres, l'autre au niveau des plantes.
Un relevé précis des arbres a été associé à un fichier: numérotation, essence, hauteur, section à un mètre du sol, état sanitaire et niveau d'enracinement. Certains arbres présentaient l'empattement caractéristique de l'enracinement au dessus du sol remblayé. D'autres par contre avaient un fût droit dès le sol, et l'empattement était enterré. Ils étaient donc antérieurs au remblai et contemporains des bâtiments. Plusieurs Taxus étaient plantés en ligne en alternance avec des Tsugas, essence apparaissant chez nous au XVIIIème siècle. Ces alignements étaient donc postérieurs à nos bâtiments. Un if au port particulier, où les branches noueuses prennent naissance par palier, pourrait être un topiaire redevenu sauvage.
La collecte des plantes sur le site bien délimité a fait apparaître les zones humides (alchilée, plantain, tussilage, populage des marais, cardamine, véronique, chélidoine, myosotis des marais), les zones de remblai riches en chaux, (lierre, bugle, gaillet, renoncule, capselle, géranium Herbe-à-Robert, ortie), les déserts que constituent les jardins bien entretenus, (pâquerettes, pissenlits) et enfin quelques zones riches en humus stable depuis longtemps (arum, oxalis, anémone, ficaire, gaillet, violette).
La trame relevée au niveau des chemins se trouvait ainsi confirmée par la végétation.
2. Les sources textuelles et iconographiques.
Ce domaine fut acquis en 1607 par le prince d' Arenberg, quittant la cour des Archiducs Albert et Isabelle à Bruxelles. Les Arenberg ont résidé à Enghien pendant trois siècles ce qui, du point de vue des archives, laisse des traces abondantes. Elles sont conservées aux Archives Générales du Royaume à Bruxelles et chez les Pères capucins d'Enghien. Collectionneurs acharnés, quelques Enghiennois ont constitué des fonds privés extrêmement intéressants.
2.1. Les sources iconographiques.
2.1.1. Les cartes et plans.
Une collection très importante de plans est conservée aux Archives Générales du Royaume à Bruxelles, dans le Fonds d' Arenberg. Ils traduisent l'évolution du site au travers de mesurages de géomètres, de projets d'architecture réalisés ou non. La première apparition des pavillons et de jardins y attenant est datée de 1660. Ces jardins disparaissent progressivement à partir de 1720 au profit d'autres aménagements plus dépendants du château en cours de transformation.
Plan de Deventer.
Un plan de Jacques de DEVENTER de ca.1550 représente le château mais ne mentionne rien du lieu qui nous occupe. Il constitue un
(terminus post quem).
Plan d 'Enghien au commencement du XVIIème siècle. Copie par E. MATTHIEU.
Vignette frontispice de l'Histoire de la Ville d'Enghien.
Suivant une représentation classique pour le XVIIème siècle, la ville est représentée en plan et les édifices majeurs figurent en perspective cavalière. Les portes de la ville et sa muraille, l'église, les couvents et le château sont détaillés. Une échelle en pied et en verge et une rose d'orientation témoignent de l'intention de la représentation. Au Sud du château, au delà des douves, apparaissent deux rangées de compartiments de jardins entourés d'un trait continu. Ce document est très précis quant aux détails d'architecture. Dès lors, on peut soit s'étonner qu'il soit aussi vague dans la représentation du jardin, soit en déduire qu'il n'y avait alors qu'un potager constitué d'un quadrillage de chemins. Le document n'est pas daté mais il représente la grange de la "bas cour" disparue dans les flammes en 1656.
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Plan de 1660. AGR. Fonds d' Arenberg. Cartes et Plans n° 1059.
Un plan de ca. 1660 représente au Sud du château médiéval entouré de douves, un très grand rectangle divisé en cinq. La figure la plus grande est la plus proche du château, séparée de lui par les douves et par un trait appuyé qui pourrait être un mur ou une palissade. Elle est cantonnée de quatre constructions carrées dont deux sont les pavillons Chinois et aux Toiles. Entre les deux passe une allée principale, la grande médiane du rectangle qui prend naissance sous un portail à l'Est. Au croisement du chemin et du mur entre les deux pavillons, un rond doit signifier le franchissement de la dénivellation de 1,92 m. La seconde figure à l'Ouest est sensiblement carrée. La médiane du premier jardin s'y poursuit et s'en échappe sous forme d'une digue entre deux plans d'eau. Au centre du carré, la seconde médiane forme un carrefour souligné par une couronne. Il peut s'agir d'un parterre circulaire, d'un bassin ou d'un bâtiment.
Au Sud de ces deux premières divisions apparaissent de l'Ouest à l'Est deux figures carrées compartimentées par les médianes, les bissectrices et les périmètres de la forme. La dernière figure à l'Est vaut la moitié des deux précédentes et semble contenir un grand bassin rectangulaire. Elles sont entourées d'un trait large qui peut être rapproché du berceau de charmille qui existe encore partiellement.
Ce document nous donne la vision la plus complète de ce qu'ont pu être les jardins du château d'Enghien dans la seconde partie du XVIIème siècle. Il comporte des indices sous forme de lettre. La légende a disparu.
Plan de 1719. AGR. Fonds d'Arenberg. Cartes et Plans n° 599.
Ce plan est le premier à faire état de l'altération des jardins.
Le grand rectangle proche du château a perdu sa clôture Nord. Un nouveau chemin, étranger à la géométrie du lieu rejoint l'aile subsistant du château à l'escalier situé entre les pavillons Chinois et aux Toiles. Les tracés des jardins ont disparu. Seules les limites subsistent.
Plan en relief de Martin Schoonheydt, daté de 1782. Archives des R.P.Capucins d'Antwerpen.
Cette maquette présente l’aboutissement du projet commencé en 1719: Les abords immédiats du château ont été remaniés. Le portail d'entrée des jardins a été déplacé afin de constituer l'entrée de la nouvelle cour d'honneur, au Nord. Une grande pelouse s'étend de la façade Sud du château jusqu'aux berceau de charmes. Au Sud des jardins apparaît une orangerie prolongée par une double allée bordée d'arbres en pot. Cette orangerie coïncide avec l'implantation du château Empain actuel.
Cette trame, encore bouleversée par le boulingrin du château Empain, sera définitivement masquée par l'aménagement paysager de la moitié du XIXème siècle, aménagement qui ne manque pas d'intérêt. Il parvient à établir un cheminement cohérent et agréable entre la cour d'entrée du domaine jusqu'au château, intégrant les bâtiments disparates comme événement.
2.1.2. Les gravures (3).
Plusieurs séries de gravures donnent en plan, en vue cavalière et d'après nature, une représentation des événements majeurs du parc. Une étude critique (4) permet d'établir un ordre de filiation probable sur base de l'originalité des représentations, des fautes qui apparaissent puis qui sont recopiées, des inversions dues à la technique même de la gravure, les époques d'activité des graveurs. Dans cet ordre d'exactitude et d'originalité décroissante, les auteurs sont Romeyn de Hooghe, un graveur anonyme, Peter Schenk, Johannes Van Avele, Karl Remshardt. D'autre part, une gravure isolée de Romeyn de Hooghe a été recopiée par Jacques Harrewijn.
Romeyn de Hooghe et Johannes Van Avele surchargent leurs gravures de légendes en flamand et en français. Une description écrite de Nicolas Visscher complète les gravures de Romeyn de Hooghe. Les gravures de Harrewijn utilisent un tout autre point de vue, à partir de la terrasse du château et ne donnent aucun renseignement sur les jardins.
Les quatre premières séries commencent par un plan général du parc où le château et les jardins occupent la partie inférieure. On retrouve la partition d'un grand rectangle en cinq mais dans d'autres proportions que dans le plan de 1660. Le plus grand compartiment est nommé Jardin des Fleurons, ou des fleurs en pots. Celui qui nous préoccupe, porte le nom de Jardin des Fleurs. Les trois suivants sont le Labyrinthe, le Jardin des Nains et le Bassin de I'Orangerie.
Les représentations des pavillons et du mur qui les relie sont précises.
Romeyn de Hooghe (5).
Il s'agit de la seule série de gravures qui soit datée: Anno 1685 dans le fronton de l'arc de triomphe d'entrée dans le parc représenté dans la planche D. La série de gravure porte des indices de A à R. L'ordre des gravures suit celui du texte annexé de Nicolas Visscher. Le plan A comporte une échelle fantaisiste et déforme le château et les allées afin d'intégrer l'ensemble dans un cadre rectangulaire.
Dans la gravure K, "Parterres des fleurs", Romeyn de Hooghe représente correctement les façades des pavillons. II détaille un escalier circulaire contreparti au milieu d'un mur partagé en deux fois sept travées ornées de portes ou de niches en plein cintre. Sur le mur, les pilastres sont sommés alternativement de sculptures et de vases. Au centre du jardin, un bassin au contour compliqué occupe la largeur de l'allée principale. Les deux médianes du jardin découpent la surface en quatre carrés ou les plates-bandes concentriques s'organisent autour d'un topiaire fort haut taillé en plateaux. Dans les plates-bandes circonscrites de haies basses, des petits arbustes en pot soulignent encore le quadrillage du jardin.
Le même graveur a réalisé, hors série, une très grande vue cavalière de l'ensemble du parc, prise à partir du clocher de l'église Saint Nicolas.
La représentation est très soignée. Le jardin se découvre partiellement au dessus des palissades végétales. L'allée principale Est-Ouest commence par le Portail monumental des Slaves déplacé en 1719, traverse le grand rectangle du jardin des Fleurons en contournant deux bassins, franchit la dénivellation de 1.92 m sous la forme de l'escalier contreparti, rencontre un bassin au même contour chantourné et se poursuit au delà de la palissade sous forme de digue entre deux plans d'eau. Le tracé des allées, contre-allées, compartiments de fleurs et de broderies entourés de petites haies basses, topiaires et arbres en pot est soigneusement détaillé.
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Il faut remarquer dans cette gravure trois caractéristiques essentielles des jardins clos à la manière de la renaissance italienne:
- la clôture du jardin ou chambre, réalisée ici par le mur monumental sur une face et par des palissades végétales percées de niches sur les trois autres faces;
- le partage du carré par les chemins, ici les médianes. Le croisement se fait au droit d'un événement, le bassin. En le contournant, on se déplace insensiblement sur la contre-allée qui conduit au compartiment suivant. C'est une composition que l'on parcourt afin d'en découvrir les surprises et les richesses.
Mais il n'est pas permis que le spectateur se place au foyer des figures géométriques qui règlent la composition;
- la présence de l'eau, centrale parce que sacrée, et symbole de fertilité. Elle est en outre un régulateur thermique, puisqu'en s'évaporant, elle capte les calories de l'air. Par le bruit qu'elle fait en s'écoulant, elle donne vie au jardin.
Il existe encore une gravure isolée (6) représentant le parc à partir de la terrasse du château. Ce dessin est peu intéressant pour notre propos car on n'y voit que les palissades végétales et l'élévation Nord du Pavillon Chinois. Ce point de vue a été également utilisé par Jacques HARREWIJN (7).
Un graveur anonyme (8).
La série anonyme est très proche de celle de de Hooghe.
Le plan général comporte une rose d'orientation et une mire en verges. Il reproduit les déformations abusives mais contient plusieurs informations originales. La série ne comporte pas de légendes ni d'indices mais donne deux représentations détaillées du jardin des fleurs: l'une depuis l'extrémité Ouest de l'axe principal nommée Groot Blomperk, l'autre montrant en avant plan l'escalier contreparti et les niches contiguës de la balustrade, appelée Het Park der Parterres.
Le graveur représente correctement les pavillons, un mur partagé en deux fois huit travées, un large escalier contreparti et un bassin compliqué. L'allée centrale équivaut au tiers du jardin. La seconde vue du même jardin présente un détail de l'escalier circulaire contreparti. On remarque sur l'échiffre décorée de tritons en rocaille des vases qui laissent s'écouler l'eau de marche en marche. Les travées du mur contre terre sont ornées de niches où une gueule de lion crache de l'eau. L'arrière plan montre le jardin haut des Fleurons.
Ces dessins sont tout à fait cohérents par rapport à ceux de Romeyn de Hooghe. Les points de vue originaux peuvent être rapprochés de la description du Père Charles dont question ci-dessous.
Ce dernier achève son texte en invoquant l'aide de "tailles douces" qui devraient être jointes au texte. Les moments forts de la description correspondent très exactement à chacune des représentations.
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Suivant les critères de style et d'originalité des détails, on peut émettre l'hypothèse que ce graveur anonyme n'est autre de Romeyn de Hooghe qui aurait réalisé une première série de gravures pour accompagner le texte du Père Charles, puis une seconde pour le compte de l'éditeur Nicolas Visscher.
Peter Schenk (9).
On connaît de ce graveur une vue d'ensemble et quatre vues de détail. Les titres renvoient textuellement à ceux de la vue panoramique du graveur anonyme. Le dessin par contre est original mais erroné.
Aucune gravure de détail ne concerne le jardin des Fleurs. Elles reprennent les points de vue de de Hooghe.
Johannes Van Avele (10).
Cette série (11) présente des indices et des légendes et suit le même ordre que celle de Romeyn de Hooghe. Le plan général A est identique. Les points de vue le sont également mais le dessin est à rapprocher des œuvres de Schenk. Il reproduit les mêmes erreurs.
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Johannes Van Avele représente, comme de Hooghe, le jardin des Fleurs à partir de l'extrémité Ouest de la médiane principale: les pavillons dont l'élévation n'est pas correcte, un mur de deux fois sept travées, un escalier circulaire contreparti, un bassin circulaire à la margelle compliquée. L'allée centrale équivaut au tiers de la largeur totale.
Carl Remshard (12).
Une des gravures est une copie inversée de la planche B de Van Avele. Elle en reproduit les déformations ou les interprétations. Cette œuvre se situe donc au dernier étage de la filiation.
2.2. Sources textuelles.
Nicolas Visscher: Villa Angiana (13).
Ce texte accompagne la série de gravures de Romeyn de Hooghe. Il précise dans son frontispice: Nicolas Yisscher qui, le premier; a mis ceci en lumière par ses chefs-d'œuvre.
Le jardin de Fleurs est divisé en plusieurs carreaux, et embelli d'un grand nombre de superbes vases. Il y a tant de fleurs de différente espèce, qu'on y en trouve une quantité surprenante tous le mois, dans toutes les saisons de l'année et même au milieu de l'hyver le plus rigoureux.
Au bout de la longueur de ce parterre et sur le milieu de sa largeur est le grand escalier en forme de cercle ... Deux cascades sourdent vis-à-vis l'une de l'autre et se précipitent avec un murmure agréable le long de ces degréz, qui sont bordez d'une muraille épaisse, laquelle soutient la terre et est embellie d'espace à autre, de fontaines, de grottes, de corniches, et d'un balustre, de colomnes avec leurs piedestaux qui supportent huit vases précieux et huit des plus rares antiques.
La mention de huit vases et de huit statues implique un partage du mur en deux fois huit travées, ce que le dessin de de Hooghe qui est associé au texte contredit. Seul, le graveur anonyme représente deux fois huit travées de part et d'autre de l'escalier.
Briève description de la ville, chasteau et parc d'Enghien (14) par Antoine d' Arenberg devenu Père Charles de Bruxelles de I'Ordre des Capucins
Le document le plus extraordinaire dont nous disposions, est un 'guide du visiteur' en quelque sorte, rédigé par l'auteur de projet lui même, Antoine d' Arenberg, devenu Père capucin sous le nom de Père Charles de Bruxelles. Ce récit commence au château et s'achève au Pavillon des Sept Etoiles, et fait découvrir suivant un itinéraire étudié, chacune des merveilles de son œuvre.
En ce qui concerne notre propos, il donne une description qui suit l'ordre logique de la découverte à partir du portail monumental d'entrée dans le jardin haut, Jardin des Fleurons. Le visiteur arrive au dessus du jardin des Fleurs caché par la partie haute de la balustrade, il découvre l'escalier et le tracé des parterres, puis il descend l'escalier et s'avance jusqu'au bassin central. A cet endroit, le Père Charles nous demande de nous retourner afin de découvrir la totalité de l'élévation de la balustrade.
Ce n'est pas tout ce quy rend ce lieu estimable, car ce qui borne ce parterre est le plus riche et le plus beau, c'est une balustrade de marbre de trois cent pieds de longueur; partagée en seize pieddestaux sur lesquels paraissent les plus belles statues de Rome ( ... ), qui font le plus bel effect qui se puisse voir sur les deux pieddestaux qui bornent un escalier royal de marbre et d'une façon très industrieuse, ayant autant de fonteines que des marches et tenant le milieu de la balustrade
(... )
Nous avons assé passé la veue sur les merveilles de ce parterre (jardin des Fleurons), il nous faut descendre ce bel escalliet; tant d'eau que de marbre, pour contempler celuy d'en bas (jardin des fleurs) Il est divisé en quatre parties ou bien croisé par deux belles allées de la largeur de celles d'en haut (20 pieds) et se vont rejoindre à une autre semblable qui environne le parterre. Chascune a une bordure de vingt pieds de large, d'une invention toute nouvelle, puisqu'elle participe de la broderie ou de la gazonnade ou pour mieux dire, est une gazonnade cordonnée de buis;
mais ce quy relève d'avantage est que ceste gazonade n'est pas d'herbe commune, ains de fleurs, lesque/es et ny mesme l'herbe excède les cordons. Ceste broderie est tellement composée que les compartimens servent artistement et sans aucune irrégularité à y loger une infinité de orangers, citroniers, grenadiers, lauriers-roses, mirthes et autres arbres curieux dans des beaux vases, ce qui ne contente pas moins la veue que l'odorat.
Au milieu de ceste bordure sont touttes sortes de belles fleurs et simples, disposés en bastons rompus qui achèvent tout ce quy se peut voir de beau et curieux en un jardin.
Au milieu de la croisée de ce parterre se voit un bassin de marbre d'une façon toute nouvelle et ravissante et de plus de cinquante pieds de diamètre. Ce quy est admirable en ces fonteines est qu'elles sont accomodées à la mode commode du temps, qui ne souffre des bassins relevés et des grandes statues, mais veut des jets d'eau dénués d'embarassemens: elles ont l'ornement de ces enfans qui n'empèche néantmoins la veue de ceste grande allée de laquele nous vous avons parlé.
Vous ne devés pas tant vous arester à ce quy vous est présent que vous oubliés entièrement le passé, tournés un peu la veue vers le lieu d'où vous estes venu et vous aurez un prospect le plus beau et le plus riche qui se peut imaginer, c'est celuy des deux cabinets (pavillon Chinois et aux Toiles), de la balustrade, de cest escalier royal et de ses statues de métal doré en face; vous y verrés de plus seize niches divisées par autant de pilastres qui servent de soutien à tout ce que dessus. Ceste architecture comme aussy celle au dehors des cabinets est très belle et sa blancheur sur un fond d'azur meslangé de vert quy semblent autant d'aymeraudes et turquoises par pièces de rapport, en rend la veue aussi agréable que de longue estendue et si le soleil y darde ses rayons, l'on n'en peut presque souffrir l'éclat. Chaque niche est enrichie de divers ornemens de coquilles et de ce que la mer produit de plus curieux ( ... ) En chascune sort d'une teste de lyon, une [onteine, laquele tombant dans un bassin de marbre, s 'escoule par un canal de mesme le long de ceste allée et, avecq un doux murmure, tâche de rendre l'ouye aussy contente que l'odorat et la veue l'ont esté dans le parterre ...
Listes des statues.
Le premier document est la liste que dresse l'auteur de projet en vue de l'achat de statues. Il les nomme: la Vénus du Vatican, la Diane d'Ephèse, un Bacchus du cardinal Mazarin de Rome, Médiocre, l'Apollon de Delphe, l'empereur Commode et deux gladiateurs affrontés de part et d'autre de l'escalier. Il en donne la hauteur en pieds, et dans un document annexe, il en donne le prix.
Des inventaires des sculptures sont régulièrement tenus.
Au XVIIIème siècle, la balustrade est ornée de quatorze vases ce qui laisse supposer un partage du mur en deux fois sept travées.
Listes de plantes.
Le prince Charles d' Arenberg avait entrepris la création d'un nouveau jardin dès 1608. Il entretenait une correspondance avec Charles de l'Ecluse ou Clusius de Leyde et Matteo Caccini de Florence, en vue de l'échange ou de l'achat de plantes (15). Au décès du Prince, en 1617, et de son épouse Anne de Croy en 1636, on dresse un inventaire des collections de plantes. Les noms des plantes sont en flamand latinisé et ne correspondent pas au classement de Linné. Nous proposons ci-dessous les noms rencontrés dans les textes, leur traduction en français courant et leur nom latin dans le classement de Linné:
Néerlandais | Français | Latin - Linné |
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Achensetom | Ache | Apium |
Afgodillen | Asphodèle | Asphodelus ramosus |
Apeom | Aphanes | Aphanes arvensis |
Annemonen | Anemones | Anemone |
Balsammo | Balsamite | Balsamita |
Orcij | Orchis, Orchide | Orchis mascula |
Boterblomme | Renoncule, Bouton d’or | Ranunculus |
Coockeloorden | Coquelourde | Agrostemma coronaria |
Croonen imperialen | Fritillaire | Fritillaria imperialis |
Crocussen, Crocum | Crocus | Crocus vernus |
Colseconis, Colchicum | Colchique | Colchicum automnale |
Coulembins, Colombins | Tulipe | Tulipa |
Spaense Genuet | Genêt | Genista hispanica |
Folhederen | ? | ? |
Frutelarien | Fritillaires | Fritillaria |
Fracenella | Dictamme, Fraxinelle | Dictamus albus |
Glaudolien | Glaïeuls | Gladiolus |
Helebris, Helebrina | Hélébore | Heleborus niger |
Heliocrisone | Hélichrysum | Helichrysum orientale |
Ipatica, Japatica, Hepatica | Hépatique | Anemone hepatica |
Joncquilla, Jonckilliken | Jonquilles | Narcissus pseudonarcissus |
Jacinten | Jacinthe | Hyacinthus |
Iriassen | Iris | Iris |
Lillen, D’lis, Lilio | Lis | Lilium |
Martegoenen | Martagon | Lilium martagon |
Moly | Aïl | Allium molly |
Narcissen | Narcisses | Narcissus |
Nozella | Nigelle | Nigella |
Ornithogelom | Ornithogalle | Ornithogalum |
Pannis, Pannic | Pannis | Pannicum |
Prema lavery | Primevère | Primula |
Peonia, Pionen | Pivoines | Paeonia officinalis |
Ranunculus | Renoncule | Ranunculus |
Seclanum | Cyclamen | Cyclamen persicum |
Sterren | Stellaires, Oeuillets | Stellaria, Dianthus |
Trefolekens | Trèfles, Oxalides | Oxalis acetellosa |
Tipiade | ? | ? |
Tijteloore, Tijdelozen | Colchiques | Colchicum automnale |
Tulepanse, Tullipans, Tulipz | Tulipes | Tulipa |
Disposant des variétés de plantes dont on connaît l'époque et la hauteur de floraison, il est possible d'établir un calendrier et un plan des plantations, afin de fleurir le jardin tout au long de l'année.
3. Les sondages archéologiques.
A ce stade, la confrontation des sources laisse subsister un doute sur la division du mur reliant les deux pavillons. Nous terminions l'étude de la source monumentale en observant que la distance qui sépare les deux pavillons équivaut à quinze fois la largeur des pavillons eux-mêmes. Dans un premier temps, nous avons donc attribué la travée centrale à l'escalier contreparti, et partagé le mur en deux fois sept travées. Mathématiquement et architecturalement, le résultat était satisfaisant. Cette division coïncide avec la représentation des gravures de Romeyn de Hooghe et de Johannes Van Avele mais s'écarte des descriptions de N.Visscher et du Père Charles, du nombre de sculptures ponctuant les pilastres du mur et du dessin du graveur anonyme.
Avant d'entamer le chantier, nous avons sollicité l'intervention du Service Régional des Fouilles afin d'opérer des sondages pour vérifier la forme de l’escalier, déterminer le nombre de travées du mur et définir le tracé du bassin au centre du jardin. Ces sondages ont été menés sous la direction d'Isabelle Deramaix, archéologue, et Pierre Sartieaux de l'Administration de la Région Wallonne en août et septembre 1994.
Le mur.
Une tranchée a été ouverte sur toute la longueur du mur. Sous la fondation de la balustrade en ciment moulé qui existait au début du relevé, une autre maçonnerie de grandes briques ourdées à la chaux reposait sur une fondation en pierre schisteuses locales. Les ressauts de fondation caractéristiques de l'empattement des pilastres définissaient deux fois huit travées sur 28,82 et 28,90 m. de part et d'autre d'un escalier. Deux pierres de taille, portant les marques de tailleurs Clément Delalieu et Firmin Baudry, adjudicataires associés de l'ouvrage du XVIIème siècle, permettent de considérer que les pilastres du mur sont identiques à ceux du soubassement des pavillons.
Au centre de chaque travée, un trou devait être mis en relation avec une cavité et un caniveau. II s'agissait d'un petit bassin. En élévation, le soubassement du mur semble être continu, de même que deux cordons de pierre. La hauteur conservée du mur ne présente aucune trace de niche.
Par contre au revers du mur, un caniveau de brique serpente, contourne une forme d'abside précisément au centre de chaque travée. On peut y reconnaître le tracé des niches. Ce caniveau serpente donc en plan, mais également en coupe longitudinale. Chaque trou relevé à l'avers correspond à un point bas du caniveau qui se relève au droit de chaque pilastre. Est-ce le moyen d'obtenir à chaque niche une pression identique? Est-ce simplement un creux de décantation à vidanger par l'avers du mur?
Dans les deux cas, ce mur débite de l'eau.
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L'escalier.
Entre les deux murs subsiste une travée de 5,08 m. La moitié inférieure de l'escalier est encore matérialisée par cinq marches, parfaitement semi-circulaires. Cet escalier était bien contreparti de plan circulaire. Un empattement le précédait, probablement recouvert d'un dallage se retournant le long des murs sous forme de trottoir.
Le giron des maçonneries de briques supportant les marches est en moyenne de 25,5 cm. et la hauteur de 18,8 cm. Cet escalier raide compterait dix marches, le palier intermédiaire compris.
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Le bassin.
Nous avons situé le centre du bassin en reportant sur le grand axe la moitié de la largeur de la balustrade, pavillons compris, soit 41,26 m. Nous avons ensuite décrit un cercle de 50 pieds de diamètre contenant, aux dires du Père Charles, la figure du bassin.
Les maçonneries des bords du bassin ont été trouvées à faible profondeur sous le sol. Le fond du bassin se situait à 70 centimètres de profondeur. La forme générale du bassin est un carré de 5,85 mètres. A l'extrémité des médianes, le côté est creusé d'une abside de 1,25 m. de rayon. Les diagonales se prolongent au delà du carré de base et se développent sous la forme de pinces de crabe, de boutons de fleurs ou d'as de pique tronqués. Les parois sont constituées d'une épaisseur de brique probablement doublée du côté intérieur d'un parement de pierre. La trace de ce parement est visible sur le sol par la trace de mortier et de quelques ardoises de calage. L'étanchéité était garantie à l'extérieur par une argile verdâtre compactée, différente de l'argile du sol en place, plus orangée.
Le fond du bassin est constitué de bas en haut par une première couche de grandes briques posées à plat à même l'argile. Une seconde couche de briques plus petites forment un fond qui épargne quatre A majuscules en pierre placés sur les diagonales, surmontés d'un ovale. On reconnaît le A des Arenberg surmonté de la couronne ducale. Le mortier qui recouvre cette seconde couche de briques forme une ligne continue à l'aplomb du parement disparu dont on peut apprécier l'épaisseur. La faible émergence des quelques pierres conservées qui forment le A et des petits bourrelets de chaux permettent de croire que le bassin était recouvert de coquilles d'huîtres, trouvées en grand nombre dans les déblais du sondage.
Le sondage et le relevé du bassin ont permis par la suite d'identifier un dessin attribué au Père Charles et conservé chez les Pères capucins d'Enghien. Ce dessin porte la mention d'un conservateur 'dessin des fortifications d'Anvers'. Il s'agit en réalité d'une esquisse du tracé d'un quart du bassin avec une mire en pieds.
Reconsidérant les gravures, aidé de cette nouvelle information, il apparaît que, seul, Romeyn de Hooghe dans une seule de ses œuvres, le grand plan panoramique de 114 x 48 cm, représente le bassin avec son contour caractéristique et les A majuscules sommés de leur couronne dans le fond de l'eau.
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Sources contextuelles.
Nous regroupons ici toutes les analyses et comparaisons qui n'utilisent pas les renseignements propres au sujet: comparaison avec des œuvres contemporaines de cette composition, influences possibles qu'aurait reçues l'auteur du projet, pratiques propres à l'élaboration architecturale.
Métrologie.
Le Père Charles de Bruxelles émaille son récit de mesures en pieds:
- la largeur du jardin des Fleurs est de trois cents pieds;
- le chemin axial principal, médiane du carré, a une largeur de
vingt pieds;
- le chemin de traverse également;
- le chemin périmétrique de même;
- ces chemins sont bordés d'une plate-bande à broderie de vingt
pieds de large;
- la hauteur des statues de la balustrade est de huit pieds;
- le bassin est inscrit dans un cercle de cinquante pieds.
La première opération est de diviser la largeur mesurée de la balustrade, soit 82,52 m. par trois cents pour obtenir la valeur du pied. 82,52: 300 = 0,27506 m. = 1 pied. Le pied de Bruxelles vaut à cette époque 27,575 cm (16).
La largeur hors tout des pavillons prise au niveau de la plinthe est de 5,75 et 5,77 m., ce qui correspond à 21 pieds. Cette largeur se partage en deux pilastres de 84 cm., soit trois pieds, et une travée de 4,05 ou 4,09 suivant le pavillon, soit un peu moins de 15 pieds. Les axes des pilastres sont entre distants de 18 pieds.
En élévation, la plinthe a une hauteur d'un pied, déduction faite de la hauteur du dallage du trottoir. Le soubassement a une hauteur de 166 cm, soit 6 pieds. Le cordon a lui même une hauteur d'un demi-pied. La balustrade est composée d'un socle de 14,5 cm, de balustres de 84 cm. et d'une pièce d'appui de 13,8 cm, soit 4 pieds.
On retrouve régulièrement les dimensions de 13,75 ou 27,5 ou 55 cm: moulures, balustres, larmiers(17), chapiteaux, socles pilastres.
Sous la clé de l'arc des façades Ouest, huit pieds correspondent à la hauteur des statues. Sous la modénature(18) de la corniche on atteint douze pieds, la corniche comptant pour un pied. L'ensemble de la composition de ces façades Ouest est régi par un quadrillage de 18 pieds de base sur 24 de hauteur, soit un rapport de 3 sur 4.
La division en hauteur du mur est donc de un pied de plinthe, six pieds de soubassement et quatre pieds de balustrade. En largeur, la moyenne des travées prise entre les pilastres est de 3,30 m., soit 12 pieds.
L'escalier s'inscrit dans une travée de douze pieds, les marches représentent sensiblement un pied, le trottoir extérieur valant deux pieds.
Le bassin de cinquante pieds de diamètre présente deux diagonales différentes de 13,60 et de 14,20 m. Cinquante pieds font 13,75 m.
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En implantant le rythme des axes des pilastres et des niches de chaque travée, en positionnant les chemins et les plate-bandes de vingt pieds, la trame générale est donnée. Au droit du bassin, la bordure disparaît naturellement afin de former un carrefour carré de soixante pieds de côté.
Chaque quartier est partagé par les médianes dont l'une se situe dans l'axe d'un pilastre entre les quatrième et cinquième travées. Le bord intérieur de la bordure coïncide avec le piédroit
(19)
de la niche de la seconde ou de la septième travée, ce qui permet de déterminer un petit chemin dans son axe d'une valeur de cinq pieds. Le même raisonnement vaut pour la niche de la troisième ou de la sixième travée. Il reste à déterminer le chemin médian : doit-il conserver la valeur du pilastre vis-à-vis duquel il s'aligne, soit trois pieds, respecter la trame, soit dix pieds, ou encadrer deux niches, soit vingt pieds?
Un rapport de proportion intéressant vient de s'installer entre les chemins: les plus larges ont vingt pieds de largeur, les plus petits cinq. Les parterres ont un rapport de vingt, dix, cinq pieds. Le chemin médian pourrait, en respectant la trame, présenter une largeur de dix pieds. Le petit parterre central rond s'inscrit dans le carré défini par l'intersection des chemins.
Modèles
Aucune composition d'architecture n'est absolument originale. Elle s'appuie sur des réflexions antérieures, elle bénéficie d'expériences, elle utilise un langage du temps.
Dans "L'inventaire des meubles délaissés lors de son entrée en religion par Antoine d'Arenberg"
(20)
on remarque, outre les ouvrages de botanique de Mathioli, Clusius et Dodoneus, la présence des œuvres d' Andrea Palladio.
Le Père Charles, accueilli par le Pape Alexandre VII, à Rome, a pu voir le fameux escalier circulaire contreparti de Bramante au Cortile del Belvedere. Excursion obligatoire pour un architecte de la renaissance, il aura visité la Villa Hadriana à Tivoli et son théâtre maritime. On peut y retrouver le concept du Pavillon des Sept Etoiles.
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Il a pu rencontrer à la cour des Archiducs Albert et Isabelle, dont son père était familier, l'architecte et hydraulicien Salomon de Caus. Ce dernier était au service de la cour à Bruxelles entre 1599 et 1605. Le Prince palatin Frédéric qui deviendra Roi de Bohème, le charge de la réalisation de son palais et des jardins de Heidelberg sur Neckar. En 1620, il publie ses travaux: Hortus Palatinus A Frederico Rege Bohemiae.
Quelle stupéfaction d'y trouver un escalier circulaire contreparti où deux fontaines sourdent en vis-à-vis et descendent en cascade de marche en marche dans le plan du mur d'échiffre (21) !
5. Le projet de restauration.
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L'étude du Jardin des Fleurs ne représente qu'une partie seulement du projet de restauration. Elle s'inscrit dans une approche globale du site afin de favoriser sa compréhension. La même démarche a été appliquée au portail des Slaves, entrée primitive des jardin, au Labyrinthe, au jardin et bassin des Orangers, à l'allée et au pavillon du Mail et au Pavillon des Sept Etoiles.
Au terme de notre analyse, trois des cinq jardins clos pourraient retrouver leurs caractéristiques sans altérer la composition paysagère liant le Portail des Slaves dans son implantation actuelle au château Empain.
Etudiés et restaurés isolément, les trois jardins ne seront pas encore compris comme faisant partie d'un tout. Il reste quelques petites interventions à exécuter dans le jardin paysager pour retrouver un fil d'Ariane de la composition du XVIIème siècle conforme à l'itinéraire emprunté par le Père Charles.
Il serait intéressant de matérialiser, sur la grande allée qui mène du château disparu au pavillon des Sept Etoiles, l'emplacement de la porte des Slaves. Il s'agit de ponctuer la rencontre de deux directions: celle du château aux Sept Etoiles, et le grand axe des jardins clos. Un revêtement de sol dur, de forme carrée représentant l'implantation du portail, dans lequel deux directions s'impriment, signalerait au passant qu'il se passe quelque chose, précisément à cet endroit. Si cela est insuffisant, les quatre angles du carré pourraient prendre du relief sous forme de borne, de bancs ou de luminaires.
Si le Bassin des Dauphins actuellement recouvert de rhododendrons était restitué, le trop plein pourrait être un filet d'eau à ciel ouvert marquant l'axe de l'allée. Ce petit caniveau changerait de direction au centre du carré décrit ci-dessus pour s'échapper en direction de l'escalier contreparti du Jardin des Fleurs. Sur cet axe, deux petits jets d'eau émergeant de la pelouse pourraient suggérer les deux bassins disparus du Jardin des Fleurons.
Dans le sens Nord Sud, donc dans le sens de la fuyante du jardin paysager, une plantation d'arbres alignés et serrés devrait établir une distinction intéressante entre l'allée des Sept Etoiles et l'étang des Balustres, d'une part, et le premier jardin clos, d'autre part. Une faille dans cette haie à hauteur de la porte suggérée ci-dessus contribuerait également à marquer le grand axe. Les massifs d'arbres constituant les façades de la clairière du Château Empain doivent être entretenus pour conserver leur densité.
Les retours des berceaux de charmes, existants mais interrompus, doivent être marqués afin de mieux sentir leur continuité de part et d'autre du boulingrin. La continuité du berceau parallèle au grand axe peut être obtenue en modifiant légèrement le chemin courbe passant à l'extrémité du boulingrin. Les angles formés jadis par les pavillons d'automates, répondant aux Pavillons Chinois et aux Toiles, pourraient être matérialisés par la volumétrie des arbres qui s'y trouvent et qui seraient taillés dans la forme du pavillon disparu.
Pour signaler leur appartenance à la composition des jardins clos, le revêtement des chemins pourrait être différent: alors que tous les chemins du parc sont en gravier de pierre bleue concassée, les tracés des chemins des jardins clos pourraient être de gravier roulé blanc, ou en silex multicolore. Lors des fouilles, on a retrouvé une quantité impressionnante de ces petits cailloux bruns, rouges gris, noirs, sans qu'il soit permis d'établir qu'ils constituaient l'aire de foulée des chemins.
Le jardin des Fleurs.
Reprenons un à un les éléments constitutifs du jardin des Fleurs.
Les pavillons.
La restauration du Pavillon Chinois s'est achevée en 1993. Les mouvements du bâtiment dus à une insuffisance des fondations en façade Sud ont nécessité la réparation des fissures des maçonneries. Le décor intérieur de 1743 fait d'incrustation de plâtre coloré et guilloché dans des panneaux de plâtre de couleur noire a été restauré.
Les travaux du Pavillon aux Toiles ont été achevés en 1996. Il abrite une exposition didactique de la restauration des jardins d'Enghien, présentant au milieu du site les documents d'archives, d'étude et de restauration.
La façade Ouest a conservé son décor de rocailles de laitier de manganèse et d'alumine. Résidu refroidi de l'extraction du minerai, ce matériau est vitreux, d'une couleur allant du bleu foncé à turquoise. Les autres façades sont badigeonnées à la chaux. Les couches anciennes découvertes sous les corniches débordantes étaient également de couleur vert-bleu turquoise léger.
L'escalier.
Le tracé de l'emmarchement de la volée inférieure de l'escalier contreparti a été révélé par les fouilles. La hauteur à franchir étant de 192 centimètres, un doute subsistait quant à la division en dix ou en onze marches.
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En étudiant la possibilité d'achever les marches au droit de l'échiffre par des cuvettes se déversant l'une dans l'autre par débordement, il nous est apparu qu'à l'endroit du palier, le nez de la dernière marche de la volée inférieure convexe ne pouvait pas correspondre au nez de la première marche de la volée supérieure concave. La continuité de la succession des bassins ne peut être obtenue que par le décalage d'une marche au droit du palier. Vue en plan, la queue de la dernière marche convexe coïncide alors avec le nez de la première marche concave. Nous avons donc dessiné deux volées asymétriques de cinq et de six hauteurs de 17,45 cm.
L'eau arrive en dessous de la marche supérieure. Les vasques sont taillées dans le bloc capable des marches, interprétation contemporaine des vases représentés dans les gravures. Un léger défoncé de la paroi et un casse-goutte amène l'eau à s'écouler en cascade. Il est très important de ne pas altérer l'ensemble par un garde-corps. Au bas de l'escalier, l'eau est emmenée par un petit canal qui longe le pied du mur jusqu'aux pavillons.
Les marches et les bassins sont réalisés en pierre appelée Petit Granit ou Calcaire Bleu de Soignies. Une fausse marche située au niveau fini du jardin couvre la fondation sur la même largeur que le trottoir qui précède le mur et qui contient le petit canal.
Le mur et les niches.
Le profil du mur était connu par le relevé des façades des pavillons. Le rythme des travées et des pilastres est révélé par la fouille et confirmé par la métrologie.
Les maçonneries anciennes sont conservées et nettoyées pour présenter des arrachements sains et garantir l'accrochage des maçonneries nouvelles. Les briques utilisées ont exactement le format de celles qui subsistent.
Les niches sont destinées à être enduites et recouvertes d'incrustations de rocailles ou de coquillages. Elles ont une proportion d'un carré surmonté d'un demi-cercle et d'un encadrement valant un demi-pied, proportion que l'on retrouve dans les façades Ouest des pavillons. La hauteur est comprise entre le cordon supérieur et la plinthe surmontée de deux assises de pierre que les archéologues supposent continues comme c'est le cas dans les façades des pavillons. Cela donne une proportion et des dimensions différentes de ce que les graveurs représentent.
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A la base de l'arc, au fond des seize petites absides, un filet d'eau s'échappe d'un ajutage en cuivre de forme neutre, et tombe dans une vasque semi-circulaire comprise dans le mur. Le trop plein fait figure de gargouille cubique qui laisse s'écouler l'eau dans le canal qui s'élargit à chaque niche.
Le débit ne sera pas important: l'eau tombe quasi goutte à goutte. L'important est ici de faire du bruit, amplifié par la forme concave des absides. C'est également un matériau de composition des jardins. L'eau récoltée par les petits canaux est ramenée jusqu'à une chambre de visite noyée dans l'étang du Moulin contigu. Une pompe électrique munie de filtres renvoie l'eau dans les niches et dans les cascatelles de l' escalier.
Au cours du chantier, un curieux fragment de terre cuite emprisonné dans les maçonneries de blocage réutilisant des agrégats du XVIIème siècle, a attiré notre attention par sa forme arrondie. Cet élément mesure 17 x 13 x 7 cm. Il s'agit d'un œil, d'une joue et de la moitié d'un museau de lion cracheur d'eau. Quelques traces permettent de croire qu'il était entièrement doré. Cette découverte confirme le détail qu'en donne le graveur anonyme dans sa vue rapprochée de l'escalier.
Le bassin.
La longueur totale de la façade Est du jardin, pavillons compris, est de 82,52 mètres. Le centre du bassin s'implante à 41,38 m. du centre de l'escalier. Le contour chantourné du bassin, mis en évidence par la fouille de 1994, confirme les représentations de Romeyn de Hooghe et du graveur anonyme.
Les maçonneries de la margelle sont fort altérées. Elles doivent être renouvelées. Le radier du bassin est constitué de deux assises de briques posées à plat sur une étanchéité d'argile. La couche supérieure épargne les pierres formant les A majuscules et les couronnes ducales. Un relevé très précis a permis d'en rétablir le graphisme exact. L'observation des pierres encore en place a révélé la taille et les incisions représentant les hermines héraldiques. Ce dessin sera complété.
Ce radier est à nettoyer et à restaurer très ponctuellement.
Il bénéficie de la protection d'un enduit et d'une incrustation de coquilles d'huîtres creuses dans le mortier de chaux.
Les parois verticales seront rendues étanches à l'extérieur par le procédé initial: de l'argile humide et damée offre l'énorme avantage de rester étanche à très long terme, d'être souple et d'absorber les déformations dues au gel. A l'intérieur du bassin, elles seront recouvertes de coquilles de moules ou de rocailles sombres, pour assurer un effet optique de surestimation de la profondeur du plan d'eau.
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Le dé de la fontaine sera constitué d'un massif en pierre aligné avec la margelle, formant en plan un carré orné de cercles saillants aux quatre angles. Il maintient un ajutage noyé et deux trop-pleins. L'un permet la vidange et l'autre, le retour vers une chambre de visite contenant une pompe immergée. Ce système de mise sous pression de l'eau est parfaitement silencieux.
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D'où venait l'eau à l'origine? Un plan de 1787 intitulé "Le Mouvement des eaux" renseigne des canalisations entre les Jardins Clos et le Bassin des Sept Etoiles. Cet immense réservoir situé au point le plus élevé du domaine, est lui-même alimenté par des sources et par des moulins qui remontaient l'eau à partir du Grand Canal, et se situe treize mètres au dessus du Jardin des Fleurons. Par le principe des vases communicants, cette différence de hauteur assure une pression suffisante pour qu'un jet d'eau droit atteigne le pinacle des pavillons Chinois et aux Toiles, soit douze mètres. A partir des bassins principaux ornés de jets, un réseau de canalisations acheminait l'eau en de multiples endroits où, par gravité naturelle, elle réapparaissait sans cesse sous forme de cascatelles, filets, vasques, et autant de prises destinées à l'arrosage. Au XVIIIème siècle, la multiplication des fontaines à jets d'eau a justifié la construction de deux châteaux d'eau. Il en subsiste un, au Sud de l'étang du Miroir.
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Les clôtures.
Elément essentiel du jardin de la renaissance, la clôture sera réalisée au Sud, à l'Ouest et au Nord par une palissade de charmes taillés, dressés sur un réseau de câbles métalliques maintenus par des poteaux en bois. La hauteur à atteindre sera celle de la corniche en bois des Pavillons Chinois et aux Toiles, soit environ six mètres. Dans l'axe des chemins périmétriques, des fenêtres seront taillées de la grandeur et de la forme des baies des pavillons. La porte menant au labyrinthe contigu formera une serlienne.
La hauteur des palissades à la plantation sera de deux mètres pour dépasser le niveau du regard, assurer dès le début le rôle de clôture, et pour augmenter les chances de reprise des sujets.
Les quartiers.
L'ensemble du jardin sera drainé d'Est en Ouest, tous les six mètres. Dans les limites des plantations, la terre sera retirée sur la profondeur d'un fer de bêche, enrichie, allégée et remise en place.
Le parterre de bordure est orné de buis en périphérie et de broderies au centre. Une pépinière a été entreprise afin de récupérer les nombreux sujets de Buxus se reproduisant naturellement sur le site. Suivant les textes, les fonds des broderies étaient constitués de gazon et de fleurs, ce qui implique un entretien difficile entre le graphisme de buis. Les nombreux silex noirs, rouges, bruns, retrouvés lors des fouilles pourraient également avoir constitué le fond des parterres ou des chemins. Une pratique courante de l'époque était d'accentuer le graphisme des broderies par un fond uniforme, brique pilée, cendre, cailloux.
Les parterres concentriques intérieurs sont également bordés d'une petite haie de buis de la largeur et de la hauteur d'un pied. Les plantations reprennent les variétés identifiées dans les sources d'archives, Il ne s'agit toutefois que des plantes à bulbe. D'autres plantes indigènes mentionnées dans les herbiers du XVIIème siècle y seront associées. Elles seront disposées " à bâton rompus" distantes d'un pied.
Le topiaire central sera un if taillé en plateaux d'une hauteur d'environ quatre mètres.
Les arbres en pot nécessitant une orangerie pour l'hiver, orangerie inexistante, seront remplacés par des topiaires d'if, de buis, ou d'une variété de laurier non gélive.
Les travaux seront achevés pour le mois de mars 1998.
La Ville d'Enghien bénéficie de l'aide du Ministère de la Région Wallonne de Belgique sous forme de subsides, et de la Communauté Européenne. Alors que la restauration de jardins et de sites ne peut être subsidiée, le Ministère de la Région Wallonne a classé l'assiette des cinq jardins clos comme monument dans l'état où ils se trouvaient en 1992. En Wallonie, cinq jardins sont classés comme monuments: Annevoie, Beloeil, Ecaussinnes-Lalaing, Freyr et Enghien. Par ce biais, les travaux de restauration bénéficient d'une aide de 60 à 90 % de la Région.
En 1993, la Communauté Européenne a organisé un concours destiné à soutenir la restauration des jardins historiques. Sur 666 dossiers présentés, 66 ont été retenus. En Belgique, quatre dossiers ont été primés: le jardin de la Maison de Rubens à Antwerpen, les jardins de l'Abbaye de la Cambre à Bruxelles, Beloeil et Enghien.
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