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Le Mont Parnasse - Romain de Hooghe (1685)
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Le mont Parnasse - Joannes van Avele (1661-1727)
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Le mont Parnasse - gravure XVIIè siècle
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Le plan du parc d'Enghien - Villa Angiana, 1685
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Vue du parc d'Enghien - Joannes Van Avele (1661-1727)
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Le mont Parnasse - Frédéric Dumesnil (1752 ?)
Proposition de disposition des statues de divinités olympiennes autour du Pavillon des Sept Etoiles.
Michel Abrassart
A propos du mont Parnasse au Parc d'Enghien. Le découpage en semaines date du IIIème siècle et l'adoption du dimanche chrétien comme jour de repos, a été institué pour se différencier des juifs, et officialisé en tant que "Jour du Soleil" par un décret de l'empereur Constantin Ier en 321. Voir à ce sujet la brochure, La Restauration du Parc d’Enghien 1986-1996-2006, 2006, p. 69. http://www.ledifice.net/7502-1.html.Ill. 1: Le mont Parnasse, gravure du Romeyn de Hooghe.
Dans le tome 30 de nos Annales (1), Yves Delannoy traita du «Mont Parnasse», cette étrange butte artificielle qui se dresse dans le parc d’Enghien non loin du Pavillon des Sept Étoiles, et aujourd’hui dissimulée derrière un rideau d’arbres.
Ill. 2: Le Mont Parnasse, gravure de Joannes van Avele (1661-1727). (Y.D.)
Parmi les illustrations qui soutiennent le texte, on relève deux gravures: l’une de Romeyn de Hooghe (1645-1708) et l’autre de Joannes van Avele (1661-1727). Toutes deux laissent admirer le Mont Parnasse en vue plongeant, comme si on occupait une situation élevée dans une des allées qui rayonnent à partir du Pavillon des Sept Étoiles. Et qui sait! Peut-être du haut de cet édifice ?
On retrouve sur chacune de ces gravures, à l’avant plan, une statue féminine sur un socle.
Elle se dresse à l’extrémité de cette allée terminée par un bastion. Son bras droit est levé et dans la main elle tient une couronne.
Un collier en forme de guirlande de fleurs se croise sur sa poitrine. Les seins sont apparents sous le léger plissé du drapé.
Le bras gauche est tendu vers le bas. Il semble qu’elle tienne une corne d’abondance d’où jaillit un bouquet de fleurs.
Le modèle de la statue est la Flore Farnèse, une statue antique célèbre à la Renaissance et qui fut mainte fois copiée pour orner précisément de
nombreux jardins à travers toute l’Europe.
Dans le cas de la statue d’Enghien, la présence de la corne d’abondance et du collier de fleurs a détourné le sujet originel de Flore. La question est de savoir quel est le personnage féminin représenté dans la statue visible sur les deux gravures du «Mont Parnasse».
Jusqu’au début du XVIIème siècle, on considérait que la terre occupait le centre de l’univers et que sept planètes tournaient autour d’elle. Ces planètes ont donné leur nom à chacun des jours de la semaine: Lun-di jour de la lune ou de Diane, Mar-di est le jour de Mars, Mercre-di est le jour de Mercure, Jeu-di est le jour de Jupiter ou Giove, Vendre-di est le jour de Vénus, Samedi le jour de Saturne, et dimanche, le jour du Soleil soit Apollon»(2).
Pour J.L. Vanden Eynde, le Pavillon des Sept Etoiles est basé sur ce principe cosmologique (3). Les statues de ces divinités occupaient les socles encore présents aux extrémités des sept allées secondaires qui selon cet auteur « ... ponctuent les sommets d’un heptagone inscrit dans un cercle de 120 mètres de rayon».
On constate que seules deux divinités sont des femmes, Diane (ou Artémis pour Lundi) et Vénus (ou Aphrodite pour Vendredi). La statue ne peut donc que représenter l’une d’elles. Mais comme elle est dépourvue de tout attribut caractéristique de Diane, c'est-à-dire l’arc et le carquois, on peut supposer qu’il s’agit de Vénus (Aphrodite). C’est en effet la gardienne des lieux élevés, des cieux et des acropoles. Elle réside sur les hauts lieux qui baignent dans l’éther. La myrrhe est la plante qui lui est associée car les Romains pensaient que la plante rendait amoureux et la couronne qu’elle brandit en est peut-être faite. Elle est refermée à la différence de la couronne de laurier. Enfin, le collier floral pourrait être «le ceste» avec lequel Vénus s’attirait les faveurs des hommes.
Un autre élément permet de conclure qu’il s’agit d’une statue représentant Vénus. En 1546, François Ier fait imprimer la traduction française du Songe de Poliphile. L’histoire présente de façon allégorique une initiation aux mystères divins, à travers des jardins où se dressent des constructions antiques. Vénus Physizoé, la Vénus terrestre par opposition à la Vénus céleste, trône dans une nature foisonnante où évoluent Zéphyr et Chloris. Son temple se dresse sur la plus haute des sept collines de Rome, et au pied du Mont Parnasse se trouve la statue de la louve allaitant Romulus et Remus (mais depuis quand ?). Ajoutons également que le Père Charles avait prévu qu’au sommet devait se trouver une statue de Fama
(la Renomée) dont Vénus se servit pour déclencher une bataille entre les hommes et les femmes de Lemnos qui avaient délaissé la pratique de son culte.
Durant son périple initiatique, Poliphile est introduit dans la salle des astres où sont représentées les planètes et les 360° du Zodiaque.
Le Songe de Poliphile est une œuvre attribuée à Francesco Colonna (1433-1527), un frère Dominicain, mais c’est probablement un groupe de penseurs et de théologiens réunis
autour des papes Nicolas V et Pie II qui furent chargés de le rédiger. La prise de Constantinople par les Turcs avait poussé les savants grecs à se réfugier en terre chrétienne.
Il fallait redonner espoir en célébrant la puissance de la Vie comme celle de l’Amour.
Ce roman philosophique rencontra rapidement un immense succès et de nombreux princes aménagèrent un circuit initiatique basé sur le livre dans leurs jardins (4). On peut semble-t-il considérer que tel a été le cas à Enghien au 17ème siècle.
Or donc, si c’est bien Vénus, que peut-on déduire des positions occupées par les autres divinités ?
Ptolémée, astronome et astrologue grec qui vécut à Alexandrie au 2e siècle avant JC, fut l’auteur de traités scientifiques qui ont exercé une grande influence sur les sciences occidentales. Dans l’Almageste, le seul ouvrage complet sur l’astronomie qui nous soit parvenu de l’Antiquité, Ptolémée décrit un système solaire géocentrique qui porte son nom. Ce modèle fut accepté pendant plus de mille trois cents ans jusqu’à la révolution copernicienne qui établit que la terre et l’ensemble des planètes tournent autour du soleil.
Le système de Ptolémée par Andreas Cellarius (1596-1665)
Ill. 5: Système de Ptolémée.
Dans le système de Ptolémée, les planètes sont classées selon leur éloignement à la terre et se présentent comme suit:
Lune / Mercure / Vénus/ Soleil / Mars / Jupiter / Saturne.
Si on reporte ces symboles sur un heptagramme en commençant par le soleil et en tournant dans le sens anti-horlogique, on obtient ce symbole
de la perfection divine.
Ill. 6: Heptagramme planétaire.
On peut obtenir cette figure d’une autre façon; partons de l’heptagramme et assignons un jour au sommet situé le plus haut : dans cet exemple, lundi. Commençons à compter 24, le nombre d’heures dans un jour, à partir de ce sommet et en incrémentant notre compteur à chaque sommet rencontré dans le sens horlogique. Au deuxième passage par notre point de départ, le compteur indique 8, au troisième 15 et au quatrième 22. Arrivé à 24, passons au jour suivant en sautant vers le sommet suivant: c’est mardi. En répétant l’opération avec comme point de départ le nouveau jour ainsi déterminé on obtient l’heptagramme complet de la semaine (des sept planètes).
Ill. 7: Heptagramme horlogique.
On a superposé un heptagramme à la photographie satellite du Pavillon des Sept étoiles en faisant coïncider le sommet occupé par la planète Vénus au socle de la statue qui se trouvait dans l’alignement du Mont Parnasse. On peut donc déduire les positions occupées par les statues des autres divinités associées aux jours de la semaine. Ainsi, l’allée principale qui reliait la patte d’oie au Pavillon était encadrée à sa gauche par la statue d’Apollon et à sa droite par la statue de Mars et dans son alignement, au-delà de l’édifice se dressait la statue de Diane.
Ill. 8: Photographie satellite du Pavillon des Sept étoiles.
Bien que séduisante, notre hypothèse de disposition des divinités autour du Pavillon des Sept Etoiles repose uniquement sur un faisceau de présomptions. Tout écrit ou tout document iconographique est évidemment le bienvenu pour confirmer ou infirmer notre proposition.
Michel Abrassart
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