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Le Mont Parnasse - Romain de Hooghe (1685)
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Le mont Parnasse - Joannes van Avele (1661-1727)
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Temple d'Apollon - de Wailly (1781)
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Le mont Parnasse - gravure XVIIè siècle
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Le plan du parc d'Enghien - Villa Angiana, 1685
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Vue du parc d'Enghien - Joannes Van Avele (1661-1727)
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Le mont Parnasse - Frédéric Dumesnil (1752 ?)
A propos du mont Parnasse au parc d'Enghien
Yves Delannoy
ANNALES DU CERCLE ARCHEOLOGIQUE D'ENGHIEN, T. XXX, 1995-96, pp. 151-174.
Antoine prince-comte d'Arenberg, fils de Charles et d'Anne de Croy, duchesse d'Arschot, né à Bruxelles le 21 mars 1591 el y décédé le 5 juin 1669. V. plus spécialement à son sujet P.FREDEGAND d'ANVERS, Etude sur le Père Charles d'Arenberg, Frère-Mineur capucin (1593-1669), Paris, Rome, 1919. A vrai dire, sans toutefois avoir épuisé le sujet, nous n'en avons pas trouvé trace. Ce mémoire a été publié par les soins d'Edouard LALOIRE dans A.C.A.E.. t.VIII, 1915-1922, pp.101-127. Il s'agit du pavillon actuellement appelé Pavillon des Sept Etoiles ou Pavillon de l'Etoile. Ed. LALOIRE, op.cit., pp.126-127. V. note 4. Le texte de cette introduction a été publié par Y. DELANNOY. Le Parc et les fameux jardins d'Enghien, farde: Villa Angiana, vulgo Het Perc van Anguien, Romeyn de Hooghe (1645-1708), Enghien, 1986. Le plan introduisant la série de douze gravures d'un auteur non encore identifié avec certitude, emploie le terme: Maras.V. Y. DELANNOY, op.cit., farde: Vues du Parc d'Enghien par un graveur du XVIIe siècle. Den Berg Parnas, du graveur non identifié (v. note 8) dont l'analogie avec la gravure de R. de Hooghe est frappante, et De Berg van Parnas, de Joannes van Avele; qui en diffère plus spécialement par la figuration de charmilles rectilignes. Melle. de Montpensier, plus admiratrice des jardins dont elle parle comme d'un miracle, ne dit mot du Parnasse (Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, fille de Mr Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, roi de France, t. VI, Amsterdam, 1729, pp. 104-105). Laissons là Louis XIV qui, contrairement à ce que rapportent maints auteurs - depuis Em. Matthieu jusqu'à Marinus en passant par le P. Frédégand, Ed. Laloire et bien d'autres - ne visita pas le parc et ne vint pas à Enghien durant le siège d'Ath en 1671.
Quant à George Feller qui, tout aussi admiratif, parcourut le parc en compagnie du duc Louis d'Arenberg, il passe également sous silence le Parnasse. Il est vrai qu'il sillonna le Hainaut en déplorant de n'y point rencontrer une seule belle femme. Allons! Allons! Aurait-il été plus aveugle que son illustre hôte? (George Feller, Voyage philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin, à Liège, dans la Flandre, le Brabant, la Hollande, etc ... fait en 1790, trad. Ch. Pougens, Paris, t. II, s.d. pp. 143-147). Mario BATTISTINI, Le voyage en Belgique du comte Alexandre Segni de Florence en 1666, dans Bull. Institut hist. de Rome, fasc. XXI, 1941, p. 111. La traduction en français du texte italien concemant la visite du parc d'Enghien par le comte a été publié par Michel REYGAERTS, Un Italien de passage d Enghien en 1666, dans A.C.A.E., t. X, 1955-1957, pp. 287- 290. Charles-Marie-Raymond 5e duc d'Arenberg, duc d'Arschot et de Croy, fils de Léopold et de Marie-Françoise Pignatelli, princesse de Bisaccia, né à Enghien le 31 juil. 1721 et y décédé le 17 août 1778, époux de Louise-Marguerite de la Marck, née à Paris le 18 août 1730, décédée à Héverlé le 18 août 1820. Le texte de cette Histoire, suivi de la Description du Parc, a été publié par Ed. LALOIRE, op.cit., dans A.C.A.E., t. VIII, pp.1-91.
C'est à tort qu' Ed.Laloire, dans son Introduction à ces Documents concernant l'histoire de la seigneurie d'Enghien (p.VI), précise que ce sont M. de Mieville et le jardinier en chef, D.Mussche qui en réunirent les principaux éléments.
de Mieville en rédigea probablement le texte mais ce fut sur base du travail préliminaire de l'archiviste Quittelier (1737-1787): Mémoire pour servir à l'histoire des villes, terre et seigneurie d'Enghien, qui fut achevé en 1777, alors que celui-ci n'était pas encore archiviste en titre. Id. p.55. Léopold-Philippe 4e duc d'Arenberg, duc d'Arschot et de Croy, fils de Philippe-François et de Marie-Henriette dal Caretto, marquise de Savona y Grana, baptisé à Bruxelles, le 14 oct. 1690 et décédé à Héverlé le 4 mars 1754, époux de Marie-Françoise Pignatelli, princesse de Bisaccia, née 21 Bruxelles le 4 juin 1696 et y décédée le 3 mai 1766. A.A.C.E., B.A., Dumesnil 29/20, Ouvrages faits pour S.A. Monseigneur le Duc d'Arenberg par Frédéric Dumesnil (Renseignement aimablement communiqué par le R.P. J.-P. Tytgat).
V. aussi Ed. LALOIRE, op.cit., t.VIII, p.55 et 170-171. Ed. Laloire n'est pas précis. Le tome VIII des A.C.A.E. dans lequel il publie cette Histoire porte le rnillésime 1915-1922 et le tiré à part 1914-1922. Il l'est davantage dans son intéressante étude sur Le peintre Frédéric Dumesnil publié dans le même volume où il date ce transfert à Héverlé des environs de 1900 (p. 171). V. note 17. Il s'agit du cabinet appelé aujourd'hui Pavillon aux Toiles faisant le pendant au Pavillon Chinois récemment restauré. Ed. LALOIRE dans son Etude sur Dumesnil n'avait pas manqué de relever le caractère fantaisiste de certains détails de ses tableaux (p.171). Ed. LALOIRE, op.cit., p.67. Louis-Eugelbert 6e duc d'Arenberg, duc d'Arschot et de Croy, 1er duc de Meppen, fils de Charles-Marie-Raymond et de Louise-Marie de la Marck, né à Bruxelles le 3 août 1750 et y décédé le 7 mars 1820, époux de Louise de Brancas-Villars, comtesse de Lauraguais, née à Paris le 23 novembre 1755 et y décédée le 10 mars 1812. Il s'agit de Théodore-Joseph Vandenbranden, né à Bruxelles le 27 oct. 1763, fils de Ignace et de Marguerite Lebrun, décédé à Petit-Enghien le 17 déc. 1815.
Il termina sa carrière - trente années de services - comme directeur du parc. Le duc Louis d'Arenberg n'en fut pas toujours des plus satisfaits. Sa succession donnera lieu à une transaction entre sa veuve et le duc (A.A.C.E., CD. Maison, 511).
Il avait épousé en premières noces (Enghien le 6 sept. 1788) Marie-Augustine Dufour, fille de Ignace-Françoise et de Marie-Joseph Lecas, née à Enghien, le 9 déc. 1764, y décédée le 2 nivose an IX (23 déc. 1800) dont il aura à Enghien:
- Adélaïde-Joseph (23 juil. 1789)
- Théodore-Joseph-Désiré (20 déc. 1791 - 15 janv. 1815)
- Marie-Eugénie (26 avril 1794)
- Marie-Augustine-Edwige (15 déc. 1796)
- Marie-Augustine (29 pluv. an VII = 17 fév. 1799)
- Paul-Louis-Joseph (31 mess. an VII = 18 juil. 1799), (sic).
De son second mariage avec Marie-Albertine Spinet, fille de Charles et de Pétronille Durant, née à Enghien le 31 oct. 1778 et décédée à Enghien le 22 juil.1871, on lui connaît un fils, François-Augustin ( 22 fév. 1811).
(Renseignements généalogiques aimablement recherchés et communiqués par M. Pol Leroy). Ces lions proviennent de la plate-forme du Pavillon de l'Etoile. Ce transfert ne nous était pas connu lors de la rédaction de notre Contribution à l'histoire du Temple d'Hercule, aujourd'hui Pavillon des Sept Etoiles, au Parc d'Enghien, dans A.C.A.E., t. XXIII, 1987, pp. 87-116, plus spécialement p. 92 et p. 96; ils y seront remplacés par des vases (p. 94).
On croit pouvoir distinguer ces lions, de part et d'autre du monticule surmontant le Parnasse, sur la balustrade supérieure de celui-ci, dans le tableau de l'antiquaire allemand, ce qui renforce l'hypothèse de l'identification de cet édifice au Parnasse d'Enghien, sinon son attribution à Dumesnil. Louis-Dominique Mussche dont le duc Charles-Marie-Raymond d'Arenberg reconnaîtra qu'il avoit les vrais principes de la bonne plantation et de la bonne physique naturelle, du gout pour le travail et pour son métier (Ed.Laloire, op.cit., p.65), serait né soit à Pepinghen, selon son acte de décès, soit à Castre, d'après l'acte de naissance de sa fille, Anne-Catherine, sans qu'on en sache la date exacte. Il était le fils de Guillaume et de Pétronille Leux et avait épousé Marie-Catherine Decoster R. GOIFIN, Généalogies enghiennoises, liv. 111, p. 216, n. 12). Il décéda à Enghien le 7 avril 1810, âgé de 90 ans, après cinquante années passées au service de la Maison d'Arenberg, quoique Ed. LALOIRE l'y fasse entrer en 1768 (Documents concernant l'histoire de la seigneurie d'Enghien, dans A.C.A.E., t. VIII, 1915-1922, p. 65, n.1). Les comptes du parc font état, le 30 octobre 1812, d'une livraison à Mussche du vieux plomb brutte provenant de trois lions qui ont été dans dans la cave. Il semble donc que la mention suivant laquelle les six lions ont été volés par les révolutionnaires, soit partiellement inexacte. Sur ce pilori, colonne en pierre de 8 m. de hauteur, qui en 1777 en remplace un autre en bois, v. Y. DELANNOY, De quelques piloris aux armes des ducs d'Arenberg dans les seigneuries d'Enghien et de Rebecq, dans A.C.A.E., t.XIII, 1962-1963, pp. 398-405, plus spécialement concernant celui-ci pp. 400-403. Sur les versions précédant la rédaction définitive de ce texte, v., en se référant à la note 27, la note 3 de la p. 403. Son Plan général du château à partir du Parc d'Enghien appartenant à Monseigneur le Duc d'Arenberg a été reproduit par Y. DELANNOY, Le Parc et les fameux jardins d'Enghien, Enghien, 1986, p.27. V. aussi le remarquable catalogue de l'exposition consacrée à cet architecte Charles de Wailly, peintre architecte de l'Europe des Lumières, Paris, 1979, et le catalogue des Expositions organisées à Enghien à l'occasion de l'ouverture du Parc d'Enghien en 1986, Y.DELANNOY, p. 19, notices 28 et 29. V. les commentaires de cet architecte à l'annexe. Ce texte se déchiffre encore quelque peu effacé par le temps autant que par le Temps, sur le socle de cette colonne. Cl.DELTENRE, Le Parc d'Enghien. Souvenirs historiques. Poème dédié à la Sérénissime Maison d'Arenberg. 1856. Inédit de ... 1.412 vers. Ni plus, ni moins.
Sur cet Enghiennois (1791-1864), pittoresque s'il en fut, est ou sera, v. Y.DELANNOY, La chute de I'Aigle, dans A.C.A.E., t.XIV, 1964-1966, p.311, n.187 - où il faut lire 733 au lieu de 173 - et ID., Deux siècles de musique instrumentale à Enghien, dans A.C.A.E., t. XVII, 1973-1975, p. 208, n. 60. La description à laquelle il est fait allusion, concerne le projet du nouveau château et aménagements du parc conçus par Ch. de Wailly. Ce projet de pavillon fut concrétisé par une maquette en poirier- environ 1,50 m - fabriquée par (N) Carbillet, ébéniste de renom, demeurant rue des Petites Ecuries du Roy, faubourg Saint-Denis à Paris.
Cet ingénieux escalier mobile en forme de visse, dont de Wailly était très fier, comprenait cinquante marches et fut réalisé par (N) Pechet, maître serrurier des bâtiments du Roi, demeurant rue Taibout, chaussée d'Antin à Paris.
Cette maquette à laquelle on travailla une année (1780-1781), coûta plus de 8.000 livres.
Elle fut exposée au Louvre avant d'être expédiée à Enghien. On ne sait ce qu'elle est devenue.
Sur la côte Nord du golfe de Corinthe se dresse l'important massif du Parnasse : 2.450 m.
Etrange coïncidence avec notre déluge biblique ! C'est sur le pic le plus élevé de celui-ci, que le genre humain doit d'avoir
échappé à la colère de Zeus condamnant à la noyade universelle la perversité des créatures ...
Mais le Parnasse se trouve mêlé à d'autres épisodes légendaires: le sommet en est consacré à Apollon qui là-haut perça
de ses flèches le serpent Python, libérant ainsi les neuf Muses, filles de Zeus et de Mnémosyne.
Homère, Virgile, Horace l'ont si bien dit et chanté qu'il nous a fallu, sur les bancs scolaires, s'évertuer à en mémoriser
identités, professions et attributs : Calliope, l'éloquence, Clio, l'histoire, Erato, la poésie, Euterpe, la musique, Melpomène, la
tragédie, Polymnie, la réthorique, Terpsichore, la danse, Thalie, la comédie, Uranie, l'astronomie, le tout sublimé dans l'évocation
de l'éternel combat du bien contre le mal, de la beauté contre la laideur, de la vérité contre l' erreur, du savoir contre l'ignorance ...
Illustrations de gauche à droite:
Ill. 1: Le mont Parnasse, gravure de Romeyn de Hooghe (1645-1708), extraite de la Villa Angiana, vulgo Het Perc van Anghien (1685). (A.A.C.E.).
Ill. 2: Le Plan du Parc d'Enghien, gravure de Romeyn de Hooghe (1645-1708), extraite de la Villa Angiana, vulgo Het Perc van Anguien (1685).
Et pourquoi pas - tant qu'on y est - ne pas évoquer ici la mémoire du Père Charles de Bruxelles, né prince-comte Antoine d'Arenberg avant de devenir comte de Seneghem et revêtir la bure des Capucins (1).
Le Parc d'Enghien ne lui doit-il pas un Parnasse en miniature en sa pleine nature?
Le fait mérite d'autant plus d'être relevé qu'il est peu de domaines à pouvoir s'illustrer d'un tel édifice (2).
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Edifice car il s'agit bien ici d'une élévation artificielle et, certes, il ne faut pas considérer ce qui en reste aujourd'hui pour juger de cette entreprise.
En réalité, quelle fut-elle?
Il est malaisé de s'en faire une idée exacte.
Le Père Charles nous a laissé une Briève description de la ville, chasteau et parc d'Enghien (3).
Il ternine sa relation par le Parnasse :
Après tant de rares beautés, l'on se pouroit retira pour les considérer et ruminer en soy-mesme laquele en doit emporter la palme, mais il faut que je vous donne encore la paine de suivre l'allée des Chataniers et vous ne serés arrivé au milieu que, prenant à gauche, vous traverserés par un autre chemin une plaine tapissée d'une très belle verdure au milieu de laquelle il y a une montaigne artificiele de terre raportée mais où la nature et l'art unissent leurs ornemens; elle surpasse par sa hauteur et semble braver celle du Temple d 'Hercule (4) et luy disputer sa belle descouverte. C'est pourquoy à juste tiltre elle porte le nom de Beauregard. Vous y pouvés monter à pied et à chaval, si vous voulés, par de belles allées bordées de hayes, sans s'incommoder ou rencontrer ceux quy descendent de ceste montagne, laquele est joncée de sapins lesquels sont plantés d'une si belle cimétrie que, descendans du centre et continuant par toutte la plaine, ils forment comme autant de rayons de ce beau soleil ou cabinet qui est au sommet: c'est un lieu autant beau par dedans qu'au dehors avecq 6 balcons qui vous font voir un monde de merveilles; vous y estes à couvert sans que néantmoins vous ayés la veue tant soit peu empêchée. Au sommet de ce cabinet et montagne est une fame ou Renomée qui avecq sa trompette invite tout le monde à venir voir ce lieu et se fait entendre de bien loing (5).
Cette "description" date de 1665. C'est la première évocation du Parnasse du parc d'Enghien et tout ainsi semble d'une parfaite exécution. Pour peu, l'on se sentirait vibrer aux sonneries de trompette lancées par la Renommée...
Or, il existe un second exemplaire de ce manuscrit; il porte diverses annotations et notamment, en marge de la montaigne artificielle, celle-ci: n'est faite. Cette mention, comme plusieurs autres, incite à la prudence.
Description ou plutôt anticipation?
Dans sa Description du Parc d'Anguien situé dans le comté de Hainaut introduisant la Villa Angiana, vulgo Het Perc van Anguien de Romeyn de Hooghe, Nicolaus Visscher commente la gravure reproduisant le Mont Parnasse en ces termes:
Quoique ce qu'on appelle le mont Parnasse, ne soit pas encore achevé, il mérite pourtant bien d'avoir sa taille-douce à part. C'est une colline d'une hauteur assez considérable, sur laquelle on monte insensiblement au travers de cinq allées qui vont en serpentant et qui sont bordées de Cyprès taillez fort proprement. Sur le sommet on trouve un autre pavillon de verdure dont l'aspect n'est pas moins divertissant que celui du pavillon de la figure (6), outre qu'on y peut prendre fort commodément le plaisir de la chasse, à cause de l'abondance de gibier qu'on y trouve. L'entrée de cette montagne est vis à vis d'un des sept boulevarts qui sont au bout des petites allées qui entourent le grand Pavillon Eptagone (6). Par derrière on voit de côté une grande muraille de pierre qui environne le parc (7).
Illustrations de gauche à droite:
Ill. 3: Le mont Parnasse, gravure du XVIIe siècle (P. Schenck?). (A.A.C.E.).
Ill. 4: Le Mont Parnasse, gravure de Joannes van Avele (1661-1727). (Y.D.)
Non seulement il existe ainsi de nombreuses divergences entre la Description du Père Charles et cette gravure - comme les autres d' ailleurs (9) - mais cette reproduction semble bien "surfaite". Elle donne l'assurance d'un édifice parfaitement achevé - de nombreux visiteurs gravissent le monticule et s'y promènent tout à l'aise -, alors que l'introduction de N. Visscher précise qu'il n'est pas encore achevé, et que le Plan du Parc d'Anguien qui l'accompagne, a soin d'ajouter à la figuration à peine élaborée du Parnasse ce mot laconique: imperfait.
On peut dès lors s'interroger sur la conformité de cette gravure à la réalité.
Les relations qu'ont données du Parnasse ceux qui ont eu l'occasion de visiter le parc, sont loin d'abonder (10).
On ne possède actuellement que celle du comte Alexandre Segni; elle remonte malheureusement à 1666:
Il duca vi ha fatto, di terra posticcia, alzare alcuni piccoli monti, dove per diversi gironi saigon le carrozze.
(Avec de la terre amenée, le duc y a fait élever quelques petites collines où les carrosses montent par plusieurs lacets) (11).
Sans doute, s'agit-il là du site du Parnasse. mais la pluralité de monticules laisse-t-elle entrevoir que le mont n'a pas alors, en 1666, reçu sa figuration unitaire?
Lorsqu'aux environs de 1775 le duc Charles-Marie Raymond d'Arenberg (12) fait rédiger l'Histoire de la terre, pairie et seigneurie d'Enghien (13), qu'en est-il de ce fameux Parnasse?
On avait formé une éminence de terre, nommée encor à présent "le Mont Parnasse", qui devoit être un jardin très agréable, mais on n'a d'idée de ce que ce morceau avait été, que par les plans des jardins d 'Enghien qui sont gravés, et par les dessus-de-portes qui sont dans le cabinet qui conduit aux berceaux, dont l'un représente une vue du Château avec ses jardins, le second la Colonnade ou l'Etoile avec ses bosquets, le troisième le Mail et !e quatrième le Mont Parnasse (14).
Ainsi donc, un siècle, après la relation du Père Charles, on ne sait déjà plus trop bien ce qu'avait été ce "morceau", sinon par des plans, gravures et un tableau.
Quel est ce tableau?
On sait que le peintre Frédéric Dumesnil, à la demande du duc Léopold d'Arenberg (15), a exécuté et livré, le 15 mai 1752, quattres tablaux vue d 'Enghien (16) et Ed. Laloire précise à leur sujet qu'ils sont actuellement (17) à Héverlé au Pavillon des Roses et qu'il se propose d'en donner la reproduction mais, s'il les évoque encore tous les quatre dans son étude sur ce peintre (18), il s'en tient uniquement au château. Ce tableau et celui de l' Etoile sont actuellement au couvent des R.P. Capucins à Enghien.
Que sont devenus les deux autres et plus spécialement le Parnasse ?
En 1980, un antiquaire allemand nous a communiqué la photo d'un tableau qu 'il présente comme une "supraporte de mausolée pour chevaux dans le parc d'Enghien" , en nous invitant à le documenter à ce sujet.
Illustration:
Ill. 5: Le mont Parnasse, tableau de Frédéric Dusmenil, 1752 (?). (Y.D.).
SCHLOSSPARK ENGHIEN 66 X 180 cm O.R.
ÖL-LWD-UBER SUPRAPORTEN-VERTAFELUNG GESPANNT
PROV: EHEM.HERZOGLICH ARENBERGISCHER BESITZ
1904 VON BRUSSEL NACH NORDKIRCHEN GEBRACHT.
(Parc du château d'Enghien 66x 180cm
Décoration murale vernie à l'huile, situtée par dessus une double porte.
Provenant d'une ancienne propriété du duc d' Arenberg.
1904 Transféré de Bruxelles à Nordkirchen).
S'agirait-il là du tableau de Dumesnil représentant le Parnasse ?
On serait bien tenté de le croire: on y monte à pied, à cheval, en berline par deux chemins opposés et circulaires jusqu'à une balustrade portant, de part et d'autre de la calotte supérieure, six statues dont on verra l'intéret. Mais pourquoi au sommet cette statue de Pégase, sinon que celui-ci servit de monture aux Muses et personnifia l'inspiration poétique?
A gauche du Parnasse on pourrait identifier l'église d'Enghien, deux tours du château - celle de l'Ange et la chapelle - et, plus loin, l'église d'Hoves.
On notera, par ailleurs, que les dimensions de ce tableau s'accommodent en longueur à l'embrasure des portes du cabinet qui conduit aux berceaux (19) et en hauteur à l'espace compris entre le linteau des portes et le plafond.
A défaut de signature ou de texte formel, on ne peut affirmer avec toute certitude qu'il s'agit du Parnasse peint par Dumesnil mais c'est vraisemblable.
Quoi qu'il en soit, cette reproduction est peu fiable: elle s'inspire au XVIIIe siècle, des sources dont on a souligné la part d'imagination nécessaire pour compléter ce qui, en réalité, était inachevé, et l'on sait à propos de Dumesnil - plus spécialement au sujet de la reproduction du château - combien et comment cette imagination a comblé les lacunes de la modeste documentation dont il disposait (20).
Toujours est-il que la figuration du mont Parnasse, telle qu'elle nous est ainsi parvenue, répond très peu à ce que nous en voyons aujourd'hui.
Ces considérations peuvent déjà l'expliquer mais il en est d'autres raisons.
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En 1724, à la suite de circonstances qui demeurent imprécises, le duc Léopold d'Arenberg fait combler les fosses qui entourent le monticule, tandis que d'importants travaux de plomberie y sont excutés en 1752.
Lorsque le duc Charles-Marie-Raymond d'Arenberg rentre définitivement des armées, il ne manque pas de déplorer le triste état dans lequel se trouve alors le parc: tout pe'rissoit ou venoit mal. La cause ? Ces terres sont compactes et froides, ne boivent que peu et lentement et n'avoient pas les qualités nécessaires pour la végétation. Aussi va-t-il décider d'entreprendre des travaux d'une ampleur considérable pour remédier au mal dont souffrait le domaine: les eaux n'avoient que peu ou point d'écoulement et ces allées étoient, pour ainsi dire, impraticables même en plein été après les moindres pluyes (21).
L'on va ainsi "dégrossir" le mont Parnasse pour redresser les grandes allées circonvoisines à cette pièce (1769). Ces travaux entravés par une saison de pluies exceptionnelles, vont durer près d'une année; au surplus, cette terre se doit mener très loin pour la mettre en ordre de convenance (1770).
D'autre part, ce dont les relations ne font nul état, il existe en dedans du mont Parnasse un escalier pour monter du bas en haut et celui-ci est entièrement pourri. Il ne tien qu'à très peu de chose. Les poutres et gîtes des planches menacent de tomber. En 1785, le jardinier en fera la visite avec le charpentier qui n'y a monté qu'avec crainte, de sorte que, si l'on n'ote pas promptement l'escallier du bas, l'on doit s'attendre à quelque malheur par des imprudents qui journellement y montent par vaillantise.
Le duc Louis d'Arenberg (22) tardera cependant à se décider et ce n'est qu'en 1791 qu'on procédera à la suppression de cet escalier à cause qu'il y avoit du danger d'y monter.
Or, depuis lors, l'eau qui a pénétré, et la terre qui dégrade tout, ont mis cet ouvrage en danger de s'écrouler.
En 1793, on s'inquiète davantage et le duc chargera le Conseil de faire visiter le mont Parnasse pour reconnaitre s'il n'y a pas de danger qu'il s'écroule ou si la charpente ne vaut pas qu'on réfectionne la couverture.
Le Conseil conclut que la balustrade d'en haut serait à reffaire à neuf. Il suffirait à cet effet de puiser dans la réserve de bois; il faudrait pour le contour du bâtiment des planches de 17 pieds de longueur, quatre sommiers de 30 et un maître saumierde 32. Si maigres soient-elles, ces précisions nous permettent de se figurer les dimensions du belvédère.
Or, l'avis du Conseil est une chose; celui du chef jardinier, Vandenbranden, une autre (23). Quel est-il?
Cette vieille masure n'a aucun point de vue bien déterminé qui mène du haut quoique la vue soit assé vaste sur un cahot d'objets, n'a cependant aucun caractère; considérant que, lorsque cette villaine massure sera racomodé, ce ne sera jamais qu'un objet rachafté de plus dans le parc et enfin, considérant l'économie, je déclare que, si la chose dépendoit de moi, je ferois abattre le tois, la charpente, les lions de plomps et les ferailles, lesquels objets je ferois tous vendre. Je laisseroit les six montants de maçonnerie auxquels j'ajouterois quelques plantations d'arbres toujours verd avec un simple canappé et je donnerois le nom de la ruine du Parnasse à cette endroit le plus sombre et le plus désert du parc.
Plutôt qu'un "raccommodage", c'est une proposition d'abattage.
Aussi, le Conseil revient-il sur la question, le 16 février 1793, et, faisant état du rapport de Vandenbranden, demande au duc et la duchesse leurs instructions, non sans souligner que des militaires français se répandent dans le parc et à leur passage envisagent souvent de mauvais oeil les six lions en plomb qui sont attachés aux six coins de cet exagone, et qu'il y a sur la couverture une masse considérable de plomb qui pourroit être la proie des brigands (24).
Le 27 février, nouvelle intervention de Vandenbranden qui souligne les excès commis par les français, de plusieurs bustes et vases de marbre déjà fracassé, et, vus la certitude, du moins apparente, de la néantissement de tous ces beaux objets par ces brigands, je demande que le Conseille donne des ordres prompt et précis à qui il appartien, pour qu'on cache de suite, soit dans des caveaux ou en terre, toutes les vases, bustes et statues qui se trouve dans le parc d'Enghien.
Le lendemain, Vandenbranden se voit enfin autorise à prendre les mesures et précautions les plus convenables, mais pourquoi tarde-t-on à passer à l'exécution? Le 2 avril, il est à nouveau question de démolir la couverture de plomb et de prendre des dispositions pour la conservation des matériaux. Sans doute, la présence de militaires retarde-t-elle toute action ...
C'est ainsi qu'au nom de la Liberté, l'Egalité et la Fraternité les six lions sont jettés bas et mis sous sellés; une note plus tardive précisera qu'ils ont été volés par les révolutionnaires.
On pouvait s'en douter car, si le château a été dépouillé depuis les tapisseries de grande valeur jusqu'aux serrures des portes, le grillage des fenêtres, le plomb des gouttières, que dire du parc ! Vandenbranden rapporte que: Les jardins et promenades présente un tableau des vandalistes: des vases et têtes prétieuses des différents marbres, les statues des différents genres renversées, mutilés et autre réduit en poussière, le nombreux jet d'eaux tarit de tous côtés par l'enlèvement des buses de plomb ...
Assurément, il y a de quoi gémir que le militaire qui, par état devrait surveiller à la conservation des propriétés, est l'hauteur d'une partie de ce désastre. N'a-t-il pas été jusqu'à enlever la faveur des ténèbres les armes de ceux comis à la garde ?
Bref, le château, devenu hôpital militaire durant quatorze mois, n'est plus qu'un bâtiment antique rendu inhabitable et la duchesse, autorisée à occuper la maison dite le château d'Enghien, pourra tout au plus résider dans un pavillon et ses enfants dans un second, en attendant que le duc, après dix ans de refus - Je ne puis aller au devant de ces goujats mettre bas mes titres et mes droits - et de pénibles hésitations à franchir le grand fossé pour se précipiter dans la République, finisse par se résoudre à rejoindre sa famille et habiter le troisième.
Le Parc, lui, est affreux par la dégradation.
Déjà en 1795, le duc, sur le rapport qui lui en est fait, s'en lamente: mes beaux jardins sont tellement dévastés que probablement j'y ferai passer la charrue à mon arrivée, mais ce retour tardera et la situation ne fera qu'empirer.
Le 26 juillet 1811, Louis-Dominique Mussche, directeur forestier (25), est autorisé à prélever du vieux plomb du magasin pour plasser la colone au mont Parnasse (26).
De quoi s'agit-il?
Le duc avait chargé Vandenbranden de faire enlever la colonne de justice qui est à la porte de l'hôtel de ville, et de la faire placer dans le parc dans un endroict où elle fasse point de vue.
Reste à trouver cet emplacement.
La féconde imagination de Vandenbranden proposera le dessus de la porte des Esclaves ou du pavillon de l'Etoile, le milieu du bassin du Labyrinthe, du potager, d'une allée ou encore du ... mont Parnasse.
C'est cette dernière suggestion qui sera retenue.
Mais avant d'amener et installer là ce fameux pilori (27), il importait d'aménager le local. Dès lors, on va en réduire la hauteur, consolider l'assiette, les parois, etc ..., ainsi qu'il se présente de nos jours.
Mais pourquoi ne pas rappeler ici les considérations qui poussèrent le duc à ce transfert?
Convaincu de l'impossibilité du rétablissement des seigneuries ou de la féodalité et pour montrer ma résignation, je fis placer le pilori dans une partie de mon parc appelée le mont Parnasse et qui, étant très élevé, devient un objet remarquable et prouvera à mes successeurs qu'avec du courage, de la vertu et de l'honneur on peut subjuger les malheurs et donner à sa postérité le moyen de réparer ses pertes ... (28)
Un beau testament ...
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Ainsi donc voilà ce que fut hier et est aujourd'hui le mont Parnasse d'Enghien, et l'on serait tenté d'arrêter ici l'évocation de celui-ci s'il ne convenait de préciser ce qu'il a manqué devenir.
On sait que le duc Louis d'Arenberg envisageait la construction d'un nouveau château. Il en comrnanda les plans au célèbre architecte Charles de Wailly qui les termina en 1782 dans une toute nouvelle figuration du parc (29).
de Wailly exécuta de même, en 1781, le projet d'un temple d'Apollon destiné a décorer ce qui restait du mont Parnasse (30).
Sous une coupole à caissons reposant sur douze colonnes, une statue du dieu de la beauté et de la poésie occupe le centre de ce gracieux pavillon érigé sur une plate-forme circulaire à plusieurs degrés.
Le premier de ces projets fut abandonné principalement, semble-t-il, pour des raisons financières; le second le sera davantage pour des considérations d'esthétique générale. Ce n'est pas, en effet, la beauté intrinsèque de ce pavillon qui sera mise en cause, mais l'environnement de celui-ci: J'ai pensé, écrira la duchesse, que l'emplacement avoit le défaut d'avoisiner la colonade (le pavillon de l'Etoile) et dans un grand local il y a à choisir des situations au lieu d'entasser les monuments ou fabriques en un petit espace de terrain.
En d'autres termes, mieux valait concentrer toute l'attention et l'admiration sur le pavillon plutôt que les distraire par le temple et ainsi les partager au détriment de l'un et de l'autre.
Dès lors, Apollon restera dans les ... cartons, laissant la place pour ce pilori, hier symbole de toute justice, aujourd'hui message de
PAIX AUX AMIS DU PEUPLE (31).
et, faisant taire l'inquiétant grognement de ces années tant agitées, l'on se surprend à imaginer là les gracieuses farandoles de ses Muses à peine voilées et à prêter l'oreille à leurs divins propos, recueilli, perdu et retrouvé
Devant le mont Parnasse oh, quand règna Bellone,
Thémis, dans la tourmente, a posé sa colonne ... (32)
Y. DELANNOY
ANNEXE
Commentaires de Ch. de Wailly au sujet de son projet du temple d'Apollon ou Mont Parnasse au parc d'Enghien (1791)
Je crois pouvoir placer à la suite de cette description (33), celle d'un projet de Temple d'Apollon dans le bosquet du Parnasse situé dans l'un des massifs de la Grande Etoile du Parc d' Enghien.
La situation de ce Parnasse m'a paru si avantageuse, d'autant que l'on découvre du haut du Pavillon qui y existe, toute l'étendue de la terre d'Enghien et les environs, que j'ai cru possible d'y faire à peu de frais une augmentation sur la masse actuelle dont je profite pour y élever un temple de douze colonnes lequel serait dédié à Apollon.
Toutes les plantations du bosquet et des charmilles qui sont autour des pilliers actuels et qui les accompagnent d'une manière si pittoresque, m'on fait profiter de cet avantage pour former le soubassement du Temple projetté.
Pour parvenir à donner la forme et l'élévation nécessaire à ce soubassement, en même temps que la solidité aux anciens pilliers, on pourrait les renforcer à leurs paremens intérieurs, de l'épaisseur d'une brique et demi afin de recevoir et supporter la voute dont le dessus formerait le plateau sur lequel on érigerait le Temple.
Pour arriver au plein pied de ce Temple, au lieu de l'escalier en échelle qui subsiste, j'établis au centre un escalier en bois en forme de visse, mobile, de manière que cet escalier serait, quand on voudrait, fermé, en faisant reployer les marches, les unes sur les autres par le moyen d'une révolution du platteau du bas sur lequel, elles seraient établies et entretenues au milieu par un axe qui leur serviraient de pivot, cet escalier formerait deux rampes en visse qui, se croisant l'une sur l'autre, feraient que l'on pourrait monter ou descendre des deux côtés sans se rencontrer.
Illustration:
Ill. 6: Vue perspective du Temple d'Apollon dans le Parc d'Enghien, (plume, lavis et aquarelle) projeté par Charles de Wailly, c. 1781. (Collect.privée).
Ce temple est formé de douze colonnes sur un plan circulaire et qui recoivent une voute en forme de coupole ornée à l'intérieur de 36 caissons ou seront représentés les 12 signes du Zodiaque et les douze mois de l'année et au centre un cadran marquant les vents par le moyen d'une girouette extérieure en forme de lyre et qui terminerait le haut de la calotte.
En dehors des colonnes, serait un balcon en sailli sous lequel jouerait les feuillages des charmilles dont les branches pourraient même passer dans le balcon et formeraient du tout un ensemble pittoresque et d'accord avec le bosquet (34).